-
-
Les bénéfices du développement des filières locales sont nombreux et excèdent le seul secteur agricole. Par la création d’emplois non-délocalisables, c’est l’ensemble de l’économie qui se trouve revitalisée. L’amélioration de la santé des citoyens et la réduction de la consommation d’énergie grâce à la moindre dépendance aux transports, de même que l’indépendance qu’elles permettent, sont d’autres bienfaits essentiels d’un approvisionnement court. Le lin et la laine de mouton, par exemple, sont majoritairement exportés en Chine ou en Inde pour être transformés et nous rachetons notre matière première sous forme de produits finis. La valeur ajoutée et les emplois des transformations nous échappent donc à chaque étape. Or, si le secteur textile est largement délocalisé, il existe encore de nombreux artisans et PME au savoir-faire de haut niveau. De leur côté, les consommateurs sont demandeurs de produits sains, fabriqués dans les régions qui les entourent pour y créer de l’activité bénéfique à tous.
Développer certaines filières et compléter les maillons manquants pour d’autres filières en tenant compte des liens entre les acteurs et en intégrant l’impact des technologies dans leur développement permettrait d’atteindre ces objectifs. Un travail au niveau des filières locales apparaît comme essentiel.
Un exemple de réussite est représenté par la marque française de Jeans 1083, entièrement redéveloppée en France depuis 2013 par T. Huriez : tous les modèles sont fabriqués dans un rayon de 1083 kms : tissage, ennoblissement, coupe, couture, délavage, ainsi que la filature et la teinture selon les savoir-faire.
- Filière du bois feuillu: Pour l’instant, le bois est vendu en grumes et exporté directement. Redévelopper la première transformation (de grumes en plateaux) avant export, permettrait de créer une certaine valeur ajoutée, ainsi que redévelopper les emplois, compétences hommes (know-how) et machines (outils). Une fois installés, ces outils peuvent servir à toute la filière. Les mesures suivantes permettraient d’accroitre le développement de la filière du bois feuillu en Wallonie : susciter le recours au bois dans la construction par des incitants justifiés par la faible énergie grise du matériau-bois, ajouter une exigence de durabilité dans les marchés publics afin de donner une plus-value pour des matériaux biosourcés en bois, l’exemplarité des projets publics, soutenir les fabricants de bois et augmenter la valorisation du bois, également dans les marchés publics (Ex: Infrabel : utiliser des billes de chemin de fer en bois, plutôt qu’en béton – et c’est la même durée de vie, voir plus).
- Filière du lin: Aujourd’hui, la Belgique est un des producteurs mondiaux de lin. On y plante 15000ha de lin par an. Cependant, le gros de la récolte est exporté vers la Chine, avant de nous revenir sous forme de toile ou de tissu. Toute la chaine de production textile est présente en Belgique, sauf la filature. Il reste 1 seul teilleur en Wallonie qui extrait les fibres pour préparer la filasse. S’il reste encore quelques peigneurs, surtout dans le nord de la France, ainsi que des tisseurs en aval,les filatures ont disparu de nos régions il y a deux ou trois décennies. Cette étape de la chaîne a été délocalisée en Afrique du Nord, en Europe de l’Est et, pour les plus gros volumes aujourd’hui, en Inde et en Chine. L’Europe réalise quelque 80% de la production agricole de lin au niveau mondial, mais 80% des filatures se trouvent en Inde et en Chine. À l’heure où nous prônons la relocalisation de nos industries de base afin de garantir nos chaînes d’approvisionnement, la réimplantation du chainon (= la filature) manquant de la filière du lin en Belgique serait un bel exemple d’entreprenariat visant la réindustrialisation, relocalisation, circuit court et création d’emplois. Le soutien à une première unité en Wallonie permettrait de retrouver les compétences et l’emploi, de relancer le passé textile de la Wallonie qui a disparu, et de valorisation notre production en créant des produits à plus haute valeur ajoutée. Deux exemples de relocalisation de la filature de lin en France sont en cours (Safilin et Natup) et un projet belge « The Belgian Spinning Mill » a été lancé. Il est intéressant de noter que les constructeurs européens de machines pour filature s’étaient reconvertis dans des machines pour d’autres fibres, notamment le Chanvre. Il s’agit du même type de fibre, qui pourra subir le même procédé de transformation. Il y a donc des économies d’échelles à réaliser.
- Filière de la laine: Le même processus que pour la filière du lin, peut-être appliqué à la filière laine : circuit-court, production locale, garantissant des produits de qualité à haute valeur ajoutée. Cette filière est directement liée à la filière de viande ovine. Celle-ci nécessite la mise en place d’une stratégie de développement des filières d’élevage à haute valeur naturelle avec des incitations financières fortes, notamment pour l’élevage ovin extensif dont les produits sont en fort déficit sur le marché régional. Les propositions du projet Défi-Laine pour atteindre cet objectif sont notamment de mettre en place des circuits locaux valorisant la laine locale, du pâturage à l’industrie afin de multiplier les usages de la laine dans de nouvelles applications (écoconstruction) et dans les secteurs classiques de la mode, du textile d’ameublement et des loisirs créatifs, tout en apportant plus de valeur ajoutée locale.
- Filière panifiable: La Wallonie compte environ 180 000 hectares de cultures céréalières, mais moins de 10% de cette production est destinée à l’alimentation humaine (9% à la meunerie et moins de 1% à la malterie). 80% de la production céréalière wallonne est destinée à l’export, à l’énergie et à l’alimentation animale.Quant à la farine nécessaire à la boulangerie, elle est essentiellement importée sur base de céréales venues de France ou d’Allemagne, et notre pain contient moins de 8% de céréales wallonnes. Les moulins wallons représentent quant à eux 2% de la meunerie belge. Or, contrairement aux idées reçues, la Wallonie est une terre propice au développement de filières céréalières destinées à l’alimentation humaine. Les centres de recherche wallons ont une expertise dans la qualité des céréales et dans la sélection de variétés adaptées au terroir wallon, et la Wallonie possède de nombreux producteurs de céréales, dont du froment, principale céréale panifiable dans notre Région. Cependant, pour que les céréales soient qualifiées de panifiables et qu’elles puissent être destinées à l’alimentation humaine, leur qualité doit être de niveau supérieur. En outre, la demande de céréales panifiables en Belgique existe. C’est la filière qui fait défaut, ainsi que la garantie de qualité. Le développement une filière locale complète, de la sélection des semences à la commercialisation du pain, répondant aux exigences de qualité des consommateurs représente un potentiel important pour les productions wallonnes tout en assurant une valorisation à un prix juste pour l’agriculteur. C’est le but du projet ValCerWal qui vise à organiser la filière de la céréale panifiable. Pour atteindre cet objectif, le secteur souligne qu’il est nécessaire d’encourager les agriculteurs à cultiver des variétés de céréales destinées à la panification ou à la brasserie. Au niveau de la transformation, il est nécessaire de redévelopper en Wallonie des outils de première transformation adaptés à la transformation artisanale. En effet, les boulangers manquent de lieux pour faire moudre le grain à façon en Wallonie. Le métier de la boulangerie artisanale mérite d’être remis en avant et pour cela il est nécessaire de former les boulangers aux techniques artisanales de fabrication de pain comme le travail avec un levain vivant et des farines ne comprenant pas d’additifs technologiques. Il est important de revoir les critères de qualité des céréales panifiables ou brassicoles en fonction du type de transformateur, artisanal ou industriel, des évolutions variétales et des processus de transformation. Les normes de qualité étant le plus souvent internationales, un développement de critères dans le cadre de filières regroupant des acteurs locaux permettrait de stimuler les partenariats à plus petite échelle. Par ailleurs, des transformateurs tels que les biscuiteries, les fabricants de pâtes ou de flocons de céréales, ont également des exigences différentes de celles des boulangeries industrielles en ce qui concerne la qualité des céréales. Leurs critères ne sont actuellement pas assez connus.