Interpellation en Commission de l’Energie du 22/01/24 sur l’échec de la politique de déploiement d’un réseau public de bornes de rechargement pour véhicules électriques
-
Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, j’avais déposé un projet de question orale sur ce sujet, qui n’a pas été repris par les services du greffe. Je me permets de vous poser cette question dans le cadre de cette interpellation. Le réseau de bornes de recharge rapide et ultra rapide sur le réseau structurant est en retrait par rapport à nos voisins. Fastned, lors des auditions, parlait d’un trou dans la raquette européenne – on se souvient de l’image qui avait été utilisée. Il est ô combien préoccupant de constater l’absence de projet spécifique et de budget alloué à cette composante essentielle de l’infrastructure de recharge. Malgré des initiatives privées qui ont développé des stations de recharge rapide et ultra rapide, il est indéniable que des mesures gouvernementales et des actions dédiées sont nécessaires pour garantir un déploiement rapide et efficace de ces infrastructures en dehors des parkings des grandes surfaces, notamment. Les difficultés auxquelles sont confrontées ces dernières soulignent l’importance d’une intervention publique pour créer un environnement favorable au développement de ce secteur. Quels sont, Monsieur le Ministre, les principaux points inscrits à l’agenda de la cellule de coordination en ce qui concerne la transition énergétique des réseaux d’électricité, en particulier en relation avec les bornes de recharge rapide et ultra rapide ? Existe-t-il des échéances spécifiques pour le développement de celles-ci ? On répète souvent qu’en France, c’est ce qui a fonctionné. C’est une fois que des échéances précises ont été imposées, que l’ensemble des développements ont accéléré et ont pris la vitesse nécessaire concernant la fiabilité et la disponibilité des bornes de recharge rapide sur les aires autoroutières de types I et II. Pourriez-vous fournir des éclaircissements sur le fonctionnement de la SOFICO relatifs à l’attribution de concessions à de nouveaux acteurs dans le domaine de la mobilité électrique ? Les compagnies pétrolières semblent être – c’est la rumeur – privilégiées par les appels d’offres émis. Il est observé que, sur certaines aires, les bornes de recharge rapide ne fonctionnent pas correctement ou ne sont pas suffisamment entretenues, diminuant ainsi l’offre de recharge rapide. Avez-vous étudié la possibilité que les futurs appels d’offres de la SOFICO prennent en compte et intègrent des critères tels que l’accueil, l’entretien et la fonctionnalité des bornes ?Êtes-vous, par ailleurs, toujours fermé à l’idée d’étendre la possibilité d’installer des bornes de ce type dans les aires de types III et IV ?
M. Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – (…) Le cahier des charges de mise en concession proposé par les ADT, que je remercie encore une fois ici, fait l’objet de deux améliorations qui sont en cours. D’une part, le cahier des charges doit être complété par l’élément clé du mécanisme de subvention, ce qui demande d’en déterminer le montant adéquat. Si le PRW en prévoit le principe et le budget, il est indispensable de vérifier que le montant éventuellement alloué en subvention à chaque borne soit pertinent, c’est-à-dire profite in fine aux utilisateurs via un prix de recharge à la borne plus faible. Sinon, pourquoi consacrer de l’argent public pour ce faire ? La matière étant très technique et récente, le SPW n’est pas en mesure de faire cette analyse. C’est pourquoi un consultant spécialisé en la matière est en train de préparer cette réponse plus précise à cette question. Ce n’est pas parce qu’il y a quelques années, une autorité publique flamande ou étrangère a déployé des bornes avec subvention que c’est encore pertinent actuellement ou avec le même montant de subvention. Le contexte de ce marché évolue extrêmement rapidement. D’autre part, une relecture de ce cahier de charges par les parties prenantes, notamment par exemple les GRD, me semble aussi importante. Il y a des leçons à apprendre dans le déploiement réalisé par d’autres. La fédération EV Belgium elle-même suggère cela, considérant que cela permet de tirer des leçons d’opérations similaires réalisées ailleurs. Organiser ces travaux a pris du retard – c’est exact, et j’en suis le premier désolé – pour des raisons de disponibilité de personnel. (…) Quant au déploiement par la SOFICO, la Wallonie compte 106 sites autoroutiers de types I, II, III ou IV et transfrontaliers, une aire étant considérée en toute grande majorité de deux sites, un dans chaque sens de circulation. La distribution de carburant est autorisée sur les sites de type I, Il et transfrontaliers. Cela concerne 45 sites, dont 23 font l’objet de concessions, connues sous le terme d’« aires concédées ». Ces sites regroupent des activités commerciales, dont la vente de carburant. Sur les 23 sites en concession, 22 offrent aujourd’hui une solution de recharge électrique, pour une gamme de puissance allant de 50 à 150 kilowatts. La première borne de rechargement électrique pour des véhicules légers, d’une puissance modeste de quelques dizaines de kilowatts, a été installée en Wallonie en 2019. Fin 2023, 8000 kilowatts étaient installés sur les aires autoroutières et le plan actuel de développement vise les 1000 points ou 11 000 kilowatts. Je veux bien que l’on compare aux autres Régions, mais il faut aussi comparer en tenant compte du passé, c’est-à-dire où nous en étions en 2019 en nombre de bornes, en plan de déploiement et en budget disponible. Cette évolution importante est obtenue sur la montée en puissance progressive des installations existantes, en dialogue avec les concessionnaires, et donc pas via un grand marché public. Celui-ci ne serait d’ailleurs pas possible au vu de la situation des concessions. Toutefois, courant 2024, la SOFICO envisage de lancer un appel pour une nouvelle aire concédée pilote, offrant un panel de carburants fossiles et électriques, en ce compris une première offre de rechargement destinée aux ePL. J’ai par ailleurs veillé à ce que le sujet du déploiement des bornes se situe à sa juste place dans le nouveau contrat de gestion avec la SOFICO. Celle-ci est donc bien impliquée et active sur le sujet, comme vous le voyez. Son objectif est de pleinement respecter le règlement AFIR, dont nous avons déjà parlé ici et qui fixe une série d’objectifs de recharge à des échéances précises et selon le type d’axe routier. Cependant, si AFIR est le règlement européen en la matière, il pourrait ne pas refléter parfaitement les besoins du marché des voitures électriques, qui est en évolution très rapide dans notre pays, principalement sous le fait des voitures de sociétés. Pour cette raison, Sia Partners, qui soutient la cellule d’accompagnement à la transition des réseaux, a été mobilisé pour établir une projection du marché des véhicules électriques et en déduire une estimation des besoins sur base des meilleures informations disponibles. Le résultat sera discuté le moment venu dans le cadre des réunions prévues sur les bornes. La première réunion sur les bornes est programmée prochainement. Rappelons-nous aussi que l’acteur majeur du déploiement de bornes, c’est bien le secteur privé. En Flandre, de l’ordre de deux tiers des bornes sont d’initiative privée. (…) Ce qui compte, c’est la mise à disposition des bornes pour les usagers et pas forcément que ces bornes soient publiques. Or, j’attire votre attention sur le fait qu’il y a aussi pour le moment des grands plans de déploiements – ce qui est une bonne chose – de bornes rapides par des opérateurs privés, pas forcément sur les aires autoroutières, mais à d’autres endroits ou à proximité. Ce secteur ne se contente pas des concessions publiques, sur le domaine communal ou autoroutier. Vous aurez sans doute capté l’annonce faite cette semaine par l’entreprise Storm et la compagnie pétrolière Q8, qui investissent dans la construction d’un réseau de 200 stations de recharge électrique rapide – renouvelable belge, de plus – à travers tout le pays, notamment sur des parkings de magasins. Le déploiement se ferait à un rythme de 40 nouveaux sites par an et commencerait durant l’été prochain. Plus largement, à long terme, le futur sera sans doute fait d’une recharge dispersée sur tout le territoire : à la maison, au travail, au magasin, sur les nationales et autoroutes, et qui n’est plus liée à un nombre limité de pompes à carburants comme aujourd’hui. Notre vision à ce propos doit évoluer. Je ne partage donc pas votre opinion sur le fait que la vitesse d’apparition de bornes sous l’impulsion des autorités publiques régionales constitue pour le moment un obstacle au développement de la mobilité électrique. Des initiatives de ce côté sont en marche. Par contre, ce nécessaire développement pourrait avoir un impact sur les réseaux. Forcément, en fonction de l’ampleur de ce déploiement dans les prochaines années, cela pourra poser des difficultés d’absorption par les réseaux. C’est la raison pour laquelle il y a bien sûr un lien direct avec le travail sur le plan de puissance et la Cellule de coordination de la transition des réseaux, qui se saisira également de cette question.
Réplique de N. Janssen. – Monsieur le Ministre, j’ai presque envie de dire que, par moments, j’ai l’impression que vous êtes plus libéral que moi dans l’espace que vous laissez aux entreprises. Je pense pourtant qu’il en va de notre responsabilité, en tant que pouvoir public, de nous assurer de la présence de ces bornes de recharge rapide et ultra rapide sur le réseau et que c’est à nous de déterminer quelles sont les entreprises qui peuvent jouer ce rôle-là. La SOFICO a ici un rôle tout à fait déterminant à jouer et il est parfois surprenant de voir que cela ne semble pas suffisamment être le cas. Il est difficile de comprendre pourquoi cet espace n’est pas pleinement occupé. Merci pour vos réponses. Je ne manquerai pas de revenir sur le sujet.