Interpellation en commission Énergie du 23/10/23 sur le projet de décret neutralité carbone
-
Intervention (Nicolas Janssen). – Tout d’abord, sur la forme, mon groupe n’est pas réellement convaincu de la nécessité de rédiger un nouveau décret, mais vous le justifiez, Monsieur le Ministre, vu le nombre de dispositions à abroger et à modifier, rendant obsolète la structure même du décret. Notre lecture diffère de la vôtre. L’essentiel est toutefois à nos yeux clairement davantage dans le fond que dans la forme. Ma première question concerne le PACE. Je cite : « le Gouvernement arrête le plan Air-Climat-Énergie ou sa mise à jour au plus tard 12 mois après la date d’adoption du projet de plan Air-Climat-Énergie ». Pouvez-vous nous indiquer où en est la rédaction de l’AGW ? Serez-vous prêt pour le 31 mars 2024 ? On a bien vu que c’était votre intention, mais pouvez-vous nous le confirmer ? Concernant la rédaction du PNEC, pouvez-vous nous dire où en sont les travaux attendus pour le mois de juin dernier ? Nous avons besoin d’être rassurés.
Par ailleurs, concernant le comité d’experts, il est précisé que « la composition du comité d’experts sur le climat est complétée afin de renforcer les aspects relatifs à l’accompagnement au changement. Il est important d’inclure des spécialistes des sciences du comportement ». Pouvez-vous nous préciser ce qui est entendu par « l’accompagnement au changement » ? Cela pourrait être mal compris ou être compris de manière très diverse. Cela pourrait aussi être perçu comme quelque chose de relativement paternaliste. Comment voyez-vous ce type d’accompagnement ? S’agit-il de susciter de l’adhésion ? Comment y contribuer ? Comment voyez-vous les choses ?
Par ailleurs, il est également dit que « dans sa composition, le comité respecte le décret du 27 mars 2014 visant à promouvoir une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les organes consultatifs ». Est-ce le cas aujourd’hui ? Quelle différence y a-t-il entre le comité prévu dans le décret Climat et celui-ci ? Par ailleurs, le comité d’experts s’est largement exprimé dans la presse dernièrement. Ne devrait-il pas exercer un devoir de réserve ? Que répondez-vous à l’ensemble des critiques de ce comité, notamment sur les quotas d’émissions quinquennaux globaux et sectoriels, sur l’ambition en termes de réduction de gaz à effet de serre, sur la capacité à gérer la communication, sur les accords de branche ou encore sur l’AWAC ?
Autre point, j’en viens à la question de la participation citoyenne. Il est évidemment positif que le processus trouve ici un fondement légal. N’est-il pas toutefois regrettable de fermer la porte à d’autres formes de participation citoyenne que le panel citoyen, tel que précisé à l’article 14, qui dispose que c’est le modèle retenu ? Mon groupe a des réserves à ce sujet. Nous sommes évidemment favorables à la participation citoyenne, mais de manière efficace et représentative. Néanmoins, lors des auditions du panel citoyen sur le PACE, mon groupe avait pu mettre en avant le manque de diversité dans les profils des panélistes. C’est vrai que si l’on examinait les recommandations auxquelles cela avait abouti, on retrouvait par exemple très souvent des termes tels que « interdire », « obliger », « taxer », « décourager » ou « limiter ». Pensez-vous que des recommandations aussi négatives et punitives soient nécessairement représentatives de l’ensemble de la population wallonne ? Il nous semble dès lors nécessaire que des critères supplémentaires soient utilisés. Comment envisagez-vous une meilleure représentativité de la population dans le cadre de telles consultations citoyennes ? Concernant les incompatibilités, par ailleurs, la liste qui est précisée nous semble fort importante. Pourriez-vous nous les justifier ou nous expliquer les principes qui ont présidé à l’établissement de cette liste ?
Par ailleurs, concernant POLLEC, mon groupe se réjouit de l’évolution des appels à projets POLLEC vers un droit de tirage, ce qui permet de lever des freins en diminuant les charges administratives, en offrant plus de souplesse au niveau budgétaire, permettant ainsi de concrétiser des projets de plus grande envergure et plus étalés dans le temps. Mon collègue, M. Douette, a d’ailleurs déposé un rapport parlementaire sur la généralisation du droit de tirage pour les communes. Sur les appels à projets, les critiques sont les suivantes : « Par le manque de prévisibilité et de transversalité inhérent aux nombreux appels à projets initiés par la Wallonie et les différents niveaux de pouvoir, les communes se voient régulièrement dans l’obligation de mettre de côté un ou plusieurs projets de leurs PST.
Ces appels, compte tenu de leur simultanéité et leurs délais souvent jugés trop courts imposent une charge de travail et une obligation de personnel que de nombreuses communes ne peuvent réaliser. Il apparaît que certaines conditions imposées pour la réalisation des projets ou l’obtention des subsides excluent parfois automatiquement un certain nombre de communes. Les avis récoltés sont assez unanimes sur le manque d’uniformité des appels à projets : les processus administratifs imposés sont souvent trop lourds, leur pertinence pose parfois question alors qu’ils sont souvent chronophages et répétitifs. Certaines communes ont également pointé l’atteinte à leur autonomie communale dans la méthode des appels à projets. Les collèges communaux et directeurs généraux consultés se plaignent d’une impression d’appréciation discrétionnaire dans la gestion et l’attribution de certains appels à projets. Concrètement, l’objectif est de soutenir – on le sait bien – les communes qui souhaitent s’engager dans la Convention des maires et veulent adopter un plan d’action en faveur de l’énergie durable et du climat – un PAEDC –, au minimum pour la prise en charge des coûts salariaux du coordinateur, et si possible pour la mise en œuvre des politiques et des mesures liées à ce PAEDC. Pour toutes ces raisons, nous soutenons particulièrement ce point. Pouvez-vous toutefois nous dire comment vous comptez financer ce droit de tirage ? On sait que POLLEC est aujourd’hui financé grâce à des financements complémentaires résilience-relance-redéploiement. Cette manne est cependant vouée à disparaître. Avez-vous anticipé ce jour ? Comment comptez-vous vous y prendre ? Combien de villes et de communes avez-vous l’intention de soutenir et d’aider ainsi chaque année ? Le financement du coordinateur est évidemment très important et positif. Comment soutenir les communes dans leur politique ? Comment envisagez-vous de le faire ?
Par ailleurs, concernant les conventions carbone, on comprend qu’il s’agit de légaliser la dernière génération des accords de branche. Nous nous réjouissions de ce chapitre, c’est un élément de la DPR que nous trouvions trop absent de cette législature. Je me permets de citer ici ce qui se trouve à ce sujet à la page 63, nommé « Les aides aux entreprises et indépendants pour l’accès à l’énergie et la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre ». On y lit que « le Gouvernement renforcera les aides aux indépendants, PME et au secteur non marchand pour consommer moins d’énergie et utiliser davantage d’énergie renouvelable, via la mise à disposition du conseiller en énergie, via les primes ou les tiers investisseurs, avec la conclusion de performances énergétiques ». Pouvez-vous nous dire où nous en sommes en la matière ? N’est-il pas prioritaire que les PME soient davantage soutenues et considérées à leur juste valeur ? Nous sommes d’avis et vous demandons d’envisager l’utilisation du fonds Kyoto pour financer cette politique et pour renforcer les conventions carbone que vous avez présentées. Concernant les accords de branche, de nombreuses entreprises sont particulièrement inquiètes du retard pris dans ce dossier, ce qui risque de les mettre dans une situation particulièrement inconfortable. Enfin, l’article 46 stipule que « le Gouvernement réalise une analyse sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, des propositions des décisions qui lui sont soumises ». Ce point est loin d’être nouveau ; il s’agit du fameux point climat, voulu à l’époque par notre collègue, Jean-Luc Crucke. On sait que sa mise en œuvre n’avait pas été exécutée. Concrètement, comment avez-vous l’intention de le mettre en œuvre ?
J’ai encore trois questions. Pourquoi la liste des gaz à effet de serre a-t-elle été retirée ? Dans le décret Climat, il est dit que le Gouvernement complète la liste des gaz à effet de serre afin de se conformer aux obligations internationales ou européennes. Pourquoi avoir retiré les objectifs sectoriels ? Le fait que les objectifs soient intégrés au PACE vous semble-t-il suffisant ? Comment le justifiez-vous ? Enfin, concernant l’AWAC, nous avons l’impression que son rôle est globalement à travers ce décret et qu’il passerait d’un rôle central au rôle d’un acteur plus secondaire. Comment voyez-vous les choses ? Alors que dans le passé, l’AWAC était chargée d’élaborer une proposition de budget global des missions, on pourrait – en caricaturant les choses – dire qu’elle se retrouve ici dans un rôle où elle devient plutôt le secrétariat du comité des experts. Comment présentez-vous les choses ? Comment pouvez-vous nous aider à répondre à cette critique ?
M. Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – Merci, Mesdames et Messieurs les Députés, pour vos nombreuses interventions. Il s’agit d’un texte important et j’ai essayé de vous présenter dans l’introduction la structuration du texte ainsi que la manière dont les choses se présentent. Cependant, il ne faut pas non plus faire porter à ce texte ce qu’il n’est pas. Je veux dire qu’il s’agit d’une modernisation d’un texte qui existe et qui s’adapte à l’évolution de la législation. Vous l’avez dit, Monsieur Schonbrodt, ce texte existe depuis 20 ans et ne sert à rien. Premièrement, il ne sert pas à rien. Deuxièmement, il n’a même pas dix ans. J’ai été celui qui a proposé à ce Parlement le premier texte. Aujourd’hui, ce texte est dépassé parce qu’il existe dans un cadre européen qui s’impose à nous. C’est notamment cela qui justifie la question du retrait des budgets que vous avez dénoncé parce que, précisément, ce système aujourd’hui existe et s’impose à nous dans le cadre européen. Donc cela n’a aucun sens ni aucun intérêt – cela complique même les choses – d’avoir deux systèmes en parallèle qui coexistent pour faire la même chose. Ce texte n’est pas non plus les actions climat de la Wallonie. Les actions climat de la Wallonie sont dans le PACE. Nous vous les avons déjà explicitées à plusieurs reprises. Elles seront traduites dans le PNEC national et pour correspondre à nos obligations européennes. Les actions concrètes sont là-dedans. Le décret ne reprend pas les politiques et mesures. Le décret définit le cadre, les procédures, modernise ce qui préexistait, mais il ne reprend pas les politiques et mesures. Il modernise également les objectifs tels qu’ils ont été reformulés, en tenant compte de l’évolution des différents éléments.
Vous évoquez, Monsieur Lomba, la question des appels à projets. L’idée est en effet qu’il y ait différents appels à projets dans lesquels les entreprises puissent postuler et ainsi développer certains éléments de transition. Ce sera le cas pour de la géothermie, le développement de l’hydrogène et les réseaux de chaleur. Différents appels à projets existent déjà – notamment via le Plan de relance – ou pourront être déployés dans le futur, y compris en passant par l’intervention de Wallonie Entreprendre, bien outillé pour ce type d’appel à projets, avec qui nous travaillons beaucoup notamment dans certains programmes développés au travers du fonds Kyoto et qui touchent les entreprises. L’impact des contreparties sera proportionnel aux investissements. C’est un élément très important des discussions avec les entreprises, auquel je tiens beaucoup. Il est tout à fait fondamental que nous puissions attester du fait que l’aide, l’intervention de soutien aux entreprises, est proportionnelle à la réalité des investissements. L’impact sur les entreprises porte, d’une part, sur la réduction de la surcharge CV de la facture électrique et, d’autre part, sur la réduction du quota de certificats verts minimum. C’est déjà prévu aujourd’hui, si ce n’est que dans le nouveau système, on sera davantage sur la proportionnalité et sur la vérification de celle-ci, avec une intervention bien plus en amont de l’administration.
Concernant les arrêtés, la question a été posée parfois par différentes personnes. Il y a bien deux arrêtés déjà adoptés en première lecture, qui sont soumis à la consultation. L’arrêté convention carbone est l’un des deux. Il est non seulement soumis à consultation, mais vous en disposez déjà d’une certaine façon, puisqu’il est public et est consultable sur le site de l’AWAC et du SPW Énergie. Je n’ai pas besoin de vous le transmettre, sauf si vous me le demandez explicitement. Le deuxième arrêté est également soumis à consultation, mais n’est pas public. Nous pouvons vous le transmettre, cela ne pose pas de difficulté puisque les deux arrêtés ont été adoptés en première lecture et sont soumis à consultation.
Le comité des experts, Monsieur Janssen, s’est exprimé et un certain nombre d’éléments ont pu être suivis. Comme vous avez pu le constater, plusieurs profils ont été ajoutés relatifs à la sociologie du changement, la psychologie et le financement des politiques publiques. Je ne moquerais pas ces préoccupations, Monsieur Schonbrodt – je constate qu’il est sorti. Je trouve très important de se préoccuper de l’accompagnement du changement lorsque l’on doit vivre des changements aussi importants et structurants que ce qui est nécessaire. Je ne pense pas – j’espère que ce n’est pas ce que vous proposez – qu’il est mieux d’avoir des mesures automatiques s’appliquant sans aucune concertation, sans tenir compte de la capacité d’adaptation des personnes, des catégories de population, et cetera. Au contraire, il me paraît très important d’être dans des mesures aussi structurantes et impactantes que celles envisagées dans le plan Air-Climat-Énergie.
Vous évoquez, Monsieur Janssen, d’autres formes que le panel citoyen. C’est tout à fait possible. De mon côté, j’ai voulu que l’on puisse pérenniser cette possibilité de panel citoyen telle que nous l’avons organisée, mais sans base décrétale. C’était annoncé dans l’accord de Gouvernement ; nous l’avons fait. Il me paraissait utile, de plus, qu’il y ait une base légale existante. Un tel panel doit en effet s’appuyer sur différents avis extérieurs et peut être alimenté de toutes sortes de façons. C’est ce que nous avons fait avec ce panel qui a vraiment travaillé en toute liberté, notamment avec des avis provenant de différents intervenants sociaux comme le RWADE, la Fédération des services sociaux, le Réseau wallon pour la lutte contre la pauvreté, tous de véritables témoins du vécu. Vous pouvez avoir des interventions de l’AWAC, du SPW Énergie, de l’IWEPS, et cetera. C’est un peu aussi la créativité et les possibilités qui sont ouvertes. Les bases de fonctionnement de ce panel sont ainsi prévues dans le décret. Ce qui n’empêche absolument pas qu’il y ait d’autres interventions, d’autres modes de consultation. Il y a déjà la consultation classique des acteurs, la consultation sur les arrêtés, la consultation sur le plan Climat. Le décret n’est pas restrictif de ce point de vue là, même si, ici, nous avons prévu ce mode de consultation spécifique, qui vient directement des citoyens tirés au sort, avec une garantie d’équilibrage en fonction des différentes catégories sociales, d’âges, de professions, et cetera, le plus raisonnablement possible. C’est pour cela qu’il faut s’appuyer sur des professionnels de ce type d’organisation. C’est ce que nous avons fait dans le cadre du panel. Les conclusions de ce panel, ce sont les recommandations. Elles sont tout à fait publiques et donc il n’a jamais été prévu de diffuser des procès-verbaux des réunions. Au contraire, si un processus était prévu de cette façon, cela mettrait potentiellement en difficulté la liberté d’expression et de discussion dans le panel. Il faut que les citoyens soient tout à fait libres de s’exprimer, d’essayer de comprendre les sujets, de poser des questions, d’imaginer des solutions, et cetera. C’est en tout cas de cette façon que nous avons travaillé. Leurs conclusions sont tout à fait publiques.
Pour répondre à M. Crucke, nous avons prévu un retour vers ces panels qui n’a pas encore eu lieu, nous sommes en train de l’organiser concrètement pour avoir une explicitation. C’est ce que nous avions dit d’ailleurs depuis le début : une explicitation de pourquoi telle ou telle mesure avait été reprise ou non par le Gouvernement, ou en tout cas gardée à la fin du processus. Il n’y a pas eu que le panel et le Gouvernement. Il y a eu aussi d’autres intervenants, il y a eu des consultations plus classiques : la consultation des jeunes, des rencontres et des productions au niveau des entreprises, des syndicats, des associations, et cetera. Il n’y a pas que le panel, mais c’est un élément très important. Ce à quoi je m’étais engagé vis-à-vis d’eux, c’est qu’il y ait une explicitation de ce qui était repris ou non et pourquoi. Par exemple, certaines mesures ne peuvent pas être reprises parce que ce sont des compétences d’un autre niveau de pouvoir, il y a évidemment parfois des confusions dans les différentes compétences, mais alors nous nous sommes engagés à les transmettre aux autres autorités. Parfois certaines mesures n’ont pas été retenues parce qu’elles n’ont pas fait l’objet d’un accord politique. C’est le cas par exemple, vous l’avez évoqué, de la réduction de vitesse telle qu’elle avait été envisagée, sur autoroute, et cetera. À chaque fois, il y a un processus démocratique, il y a une consultation, il y a une alimentation et puis il y a une justification de ce qui est fait ou non. Il est raisonnable de travailler de cette façon, il ne faut pas non plus créer des attentes démesurées ou inaccessibles pour les personnes qui vont y participer. D’ailleurs, je peux vous dire que les citoyens qui ont participé étaient ravis du processus et du dialogue. Ils ne sont peut-être pas ravis de toutes les décisions, notamment ce qui n’a pas éventuellement été repris, mais cela, c’est aussi la démocratie. On est rarement entendus sur tout, jusqu’au bout et en tous les cas, on ne peut pas substituer aux organes de délibération que ce soit le Gouvernement, le Parlement ou suivant les situations, uniquement le panel.
Pour ce qui concerne les entreprises, Monsieur Florent, vous m’avez interrogé sur « les entreprises publiques peuvent-elles participer ? » Oui, il est prévu différentes conditions d’accès, mais elles ne sont pas liées au caractère public ou non des entreprises. C’est plutôt lié à l’impact en termes d’émissions. En tout cas, cela n’exclut aucunement les entreprises publiques, ni en particulier les petites entreprises. C’est un des éléments neufs de ce nouveau système avec les conventions carbone, Monsieur Schonbrodt évoquait les multinationales, mais nous allons toucher ici avec les conventions carbone essentiellement les petites entreprises. D’ailleurs notre tissu économique se traduit en beaucoup de petites entreprises en Wallonie et à partir du moment où l’on ouvre ces conventions carbone et que l’on envisage les communautés carbone, c’est bien pour inclure aussi les petites entreprises. C’est très important. On n’exclut pas les grandes entreprises, cela n’a aucun intérêt. On a besoin de tout le monde. On doit également trouver des systèmes où nous accompagnons les entreprises de toute taille à décarboner tout en restant chez nous. Je pense que votre souhait n’est pas non plus que les entreprises se délocalisent ou que l’on ait des pertes d’emplois massives ; ce qui, objectivement, pourrait pendre au nez de tout le monde s’il y a des vitesses d’avancement dans la décarbonation ou des impositions qui seraient trop décalées par rapport à d’autres pays ou d’autres régions.
Pour ce qui concerne les entreprises, vous faisiez aussi référence au fait que l’on ne pourrait plus modifier ce à quoi on s’était engagé. Il y a un engagement à respecter les conventions, mais celles-ci ne remplacent pas le droit européen. Ici, on est dans de l’accompagnement volontaire. Le cadre dans lequel les grandes entreprises, cette fois-ci, évoluent, puisque vous avez cité l’industrie, c’est le cadre européen. Ce décret ne change rien à cela. Les obligations des entreprises, avec la neutralité d’ici 2050, c’est le système ETS, c’est le système européen qui vise précisément à ce qu’il n’y ait pas de concurrence exagérée entre les pays à l’intérieur de l’Europe et que l’on ne favorise pas une concurrence par le bas, une délocalisation à l’intérieur de l’Europe par rapport aux objectifs environnementaux. On peut le critiquer, mais c’est le système ETS tel qu’il existe et qui force à la diminution progressive des émissions de l’ensemble des secteurs industriels d’ici 2050 jusqu’à la décarbonation. Tout cela ne change pas. Si l’Europe décide d’accélérer et de mettre des nouvelles règles, et cetera, ce décret ne changera rien du tout à tout cela. Il prévoit simplement des conventions d’une durée de huit ans pendant lesquelles la Région s’engage à respecter ce à quoi elle s’est engagée et, réciproquement, dans le cadre de l’accompagnement au niveau de la Wallonie. Vous parliez aussi, Monsieur Florent, de l’audit réalisé par les auditeurs AMURE et UREBA. C’est ce qui fonctionne, ce sont des systèmes très bien déployés aujourd’hui et tout à fait efficaces.
Concernant le financement POLLEC, M. Janssen m’interrogeait également sur ce point. C’est vrai qu’il n’est pas assuré en tant que tel de manière garantie, car, ici, nous créons le cadre puis les gouvernements successifs font des choix budgétaires. C’est comme cela dans la plupart des matières de la Wallonie. La seule chose, c’est que ce sera un choix à la constitution du gouvernement de décider de moyens importants, notamment sur l’accompagnement climatique, qui pourraient même être plus importants que sous cette législature. Nous avons des sources budgétaires puisque nous avons le fonds Kyoto alimenté de l’ordre de 200 millions d’euros par an pour le moment, en fonction de l’évolution des prix, des quotas, et cetera. C’est un budget important pour lequel tout n’est pas dépensé de manière automatique. Des choix sont faits chaque année d’investir sur certains programmes, comme nous l’avons fait l’année passée et encore cette année pour soutenir de manière plus forte les déploiements de prêts sans intérêt et de primes pour les ménages. Chaque année, on fait des choix d’utilisation du fonds Kyoto. Mais il y a aussi des moyens nouveaux à venir puisque, dans les éléments encore à venir et en discussion du niveau européen, il y a notamment le nouvel ETS Transport Bâtiment qui conduira vraisemblablement à des implications par la voie fiscale au niveau fédéral plutôt, mais qui va procurer pour les Régions des recettes importantes dans quelques années ; ce ne sera pas encore en 2024, mais à partir de 2026. Ce sont des moyens importants, comme nous avons aussi des moyens importants, par exemple, qui nous viennent de RepowerEU. Il y a plusieurs sources de financements européens importantes qui viendront encore dans les prochaines années et qui ne sont pas affectées. Les choix sont possibles ; on devra les affecter, de toute façon, pour des politiques climatiques, par exemple, pour POLLEC ; néanmoins, on peut avoir également d’autres programmes. Vous disiez aussi qu’il y avait une crainte de la part des entreprises qu’il y ait trop de retard pris. Oui, c’est comme cela que j’ai justifié tout à l’heure la volonté d’avancer sur le décret, même si je sais que ce n’est pas confortable. Clairement, on est dans la finalisation. Les arrêtés du Gouvernement ont été adoptés en première lecture. On est tout à fait en capacité de finaliser les accords d’ici là fin de l’année, d’avoir la base légale qui fasse en sorte que les conventions puissent démarrer comme prévu l’année prochaine. Vous évoquiez aussi la question des objectifs sectoriels. Pourquoi les retirer ? En fait, ils se retrouvent dans le PACE. On n’en a plus besoin dans le décret. Je voudrais rappeler que, lorsque l’on a fait le décret en 2014, on était très en amont des objectifs européens actuels. À la constitution de ce Gouvernement, nous avons décidé de remettre un objectif de 55 % de réduction des émissions globales de la Wallonie d’ici 2030. C’était aussi plus ambitieux que les objectifs européens. Aujourd’hui, les objectifs européens ont fortement changé. La Belgique et vraisemblablement la Wallonie, puisque c’est le débat en cours sur le burden sharing, ont un objectif dans le non-ETS de 47 %. Cela s’impose à nous et ce n’est plus un choix de la Wallonie. On n’a même pas besoin de le mettre dans un décret puisque c’est la législation européenne. Cela se traduit dans les différents secteurs puisque nous sommes obligés de faire un plan avec des mesures sectorielles. C’est dans le PACE, avec les différents secteurs et les différentes quantités de réduction d’émissions par secteur. Donc, il n’y a plus besoin de prévoir cela dans le décret. Cela ferait un double décomptage et une double complexité qui ne servirait à rien du tout puisque de toute façon l’obligation européenne est là et est sanctionnée si jamais elle n’est pas suivie, avec des astreintes financières.
Monsieur Crucke, vous évoquiez un « accord au rabais ». Je ne peux pas vous suivre sur cette voie pour tous les éléments que j’ai déjà évoqués. Vous savez comment peut fonctionner un gouvernement. Il peut y avoir des désaccords et des points de vue différents. Toutes les propositions que j’ai mises sur la table n’ont pas toujours été suivies totalement. Toutefois, nous avons ici – et c’est cela qui a pris aussi du temps – un cadre structuré, qui tient la route, qui respecte nos engagements de la législature, qui s’inscrit dans le cadre européen et qui n’est pas du tout au rabais des enjeux climatiques. Au contraire, on a confirmé par décret nos engagements qui sont bien plus élevés que dans le décret précédent. Entre-temps, il y a eu l’engagement 2030 et le cadre européen qui a évolué. D’ailleurs, dans le débat sur le burden sharing, ou même à l’extérieur, je peux vous dire que personne ne conteste l’ambition de la Wallonie. La difficulté que nous avons, c’est l’écart entre la position flamande et les positions wallonne et bruxelloise sur la manière de traduire les objectifs européens, mais personne ne dit que la Wallonie est peu ambitieuse. Les mesures à mettre en œuvre se retrouvent, suivant notre méthodologie, dans le PACE et non pas directement dans le décret. On ne peut pas dire que nous ayons travaillé à la va-vite parce qu’il y a eu de larges consultations sur ce décret au niveau du Conseil économique, social et environnemental de Wallonie, de l’Union des villes et communes de Wallonie, du Comité des experts, de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, de l’Union wallonne des entreprises et de l’Autorité de protection des données. Il y a eu un travail approfondi sur toutes ces questions, et c’est tout cela qui se traduit dans le résultat. Il n’y a pas de violation du principe du standstill, comme on peut parfois le lire dans l’avis du Conseil d’État qui l’aurait dénoncé s’il y avait eu un tel élément.
Si nous n’avons pas pu venir plus tôt avec ce décret, c’est parce que c’est aussi lié aux accords de branche et à la nécessité de se mettre d’accord sur les contreparties des accords de branche, dont la base se trouve dans le décret et une partie dans les arrêtés. La négociation sur les accords de branche a pris un certain temps et a requis un certain nombre de réunions. C’est tout cela aussi qui est en amont de ce décret puisque, comme vous l’avez vu, nous posons les bases des nouvelles communautés carbone. Cela résulte de cette discussion et de cette construction. On ne l’a pas écrit en amont avant de se demander comme le traduire dans les entreprises. Non, il y a eu un vrai dialogue avec les entreprises à ce sujet ainsi qu’avec le monde syndical et le monde associatif, que j’ai rencontrés à plusieurs reprises à ce sujet.
Monsieur Schonbrodt, je suis favorable à ce que les syndicats soient représentés dans le Conseil stratégique des conventions carbone, ce que je proposerai au Gouvernement, suite aux discussions que nous avons eues ensemble, à la deuxième lecture des arrêtés du Gouvernement. C’est une concrétisation positive de ce dialogue. Concernant le rôle du Parlement, nous avons prévu un passage du PACE au Parlement. Il y a un rôle du Parlement ; vous m’interrogez suffisamment régulièrement sur ces sujets, et à raison. Pour les accords de branche, vous aviez évoqué quelques autres questions. Il faut bien une communauté pour être reconnu dans les nouvelles conventions carbone, c’est-à-dire au minimum deux entreprises. Vous demandiez si ceux qui sont en accords de branche aujourd’hui le seront demain. Non, parce que c’est une nouvelle phase, il faut une nouvelle convention. Les accords de branche actuels – on est dans le deuxième accord de branche – se terminent cette année. Ensuite, ceux qui le souhaitent s’inscrivent dans une nouvelle convention carbone. C’est un nouvel accord volontaire. Il n’y a pas de reconduction automatique. Il faut être minimum deux entreprises, mais on a fortement élargi le scope des entreprises, pour constituer une communauté et ainsi conclure une convention. Concernant POLLEC, il y a bien eu une évaluation après 2020 dont nous avons tenu compte pour l’appel 2022, notamment sur les montants et d’autres éléments, sur base des premiers retours de terrain. Il faudra refaire d’autres évaluations. Pour y voir tout à fait clair, il faut avoir une période complète jusqu’à la fin de la première période de financement, mais il faudra certainement refaire de telles évaluations, et continuer d’adapter le mécanisme si nécessaire. M. Schonbrodt parle d’anticiper 2050. Je vous avouerai que je serai très content si nous parvenons à atteindre les objectifs 2030 et les objectifs 2050. Je parle bien au-delà de la situation de la Wallonie. Comme ministre du Climat, comme écologiste qui suit ces questions depuis très longtemps, je suis inquiet, mais ce n’est pas lié à la politique de la Wallonie. Au contraire, l’Europe est ambitieuse sur la scène internationale par rapport à ces questions. On peut toujours faire plus, il faut le souhaiter et s’y engager.
Mesurez bien l’ampleur des objectifs dans les textes. Ce qu’il faut souhaiter, c’est que nous ne devions pas les revoir à la baisse. Il faut réussir à ce que l’Europe conserve ses ambitions ; que l’ensemble des pays du monde adoptent le même genre d’ambition ; que nos actions soient à la hauteur de ces enjeux. Cela doit se faire dans le dialogue en faisant en sorte de ne laisser personne au bord du chemin, dans une transition juste. Je pense que c’est ce que nous avons – je vous l’ai déjà présenté plusieurs fois de cette façon – voulu traduire dans le PACE, et qui devra continuer d’être suivi de près, année après année, d’être explicité et accompagné. Il est évident que des objectifs de cette ampleur ne peuvent aucunement se réaliser s’il n’y a pas la mobilisation de l’ensemble de la population et la capacité de l’ensemble des corps sociaux à être impliqués. C’est également cela que nous avons voulu traduire dans la modification du comité d’experts de ce décret. L’ambition est extrêmement élevée. Nous ne reprenons que, par exemple, les objectifs de transfert modal de la Wallonie d’ici 2030 ou les objectifs d’augmentation de l’isolation des bâtiments pour lesquels nous avons augmenté les primes et très fortement les budgets. Le rythme à atteindre est très important. La montée en puissance doit se poursuivre de manière importante ; nous devrons tous y travailler dans un contexte complexe. Par rapport à l’impact sur l’emploi, je ne sais pas quelle est votre question. Vous nous reprochez de soutenir trop fortement les grandes entreprises. Pourtant, je persiste à vous dire que si l’on n’accompagne pas le changement de la décarbonation dans les entreprises, il y aura des pertes d’emplois très importantes dans notre Région par rapport à d’autres régions et d’autres pays qui auront moins de scrupules. En même temps, vous dites qu’il faut regarder l’impact sur l’emploi. Le premier impact est d’éviter les délocalisations, que les entreprises se décarbonent et qu’elles restent chez nous. Et aussi que l’on développe l’économie circulaire et que l’on modifie évidemment les marchés publics pour la consommation des pouvoirs publics, que l’on essaie d’avoir une sensibilisation des particuliers sur leur propre consommation, et cetera. Il s’agit de créer les conditions pour maintenir, renforcer et développer de nouveaux emplois dans tous ces secteurs de la transition chez nous. C’est le cas en particulier du déploiement renouvelable. Le déploiement renouvelable s’assortit d’un grand nombre de créations d’emplois non délocalisables. C’est donc à la fois du développement d’économie, d’emplois, de renouvelable et de transition. C’est le cas d’une manière générale des circuits courts, de l’économie circulaire, et cetera. Il s’agit d’une réorientation de l’emploi qui doit viser à ce que ce soit de l’emploi de transition et durable, et qui précisément garantit l’emploi chez nous tout en ayant un moindre impact sur le climat.
J’ai déjà évoqué toutes les questions des consultations, donc je pense que j’arrive au bout des différentes interventions, Monsieur le Président. Il est clair que nous avons évidemment devant nous encore beaucoup de travail en matière climatique, mais je pense qu’il ne faut pas se tromper d’objet. Nos cibles, nos objectifs climatiques, ce sont ceux de la DPR, ce sont ceux que j’ai défendus tout au long de la législature. Ils n’ont pas bougé d’un iota, si ce n’est que nous les avons écrits ici dans un texte. Nous les avons traduits dans le plan d’action climatique, dans le PACE de la Wallonie. Désormais, ils sont assez similaires à ce qui nous est imposé par le niveau européen. Donc, il faut y aller. Toutes ces mesures se traduisent en grande partie, en tout cas à ce stade-ci du timing en 2023, par des budgets importants qui sont prévus dans le Plan de relance de la Wallonie et dans différentes politiques. Cela doit évidemment se poursuivre et, dans certains cas, s’amplifier encore dans les prochaines législatures. Il faut voir les différentes pièces pour ce qu’elles sont. Il faut voir l’ensemble du Meccano et nous ne sommes pas ici en train de remplacer le PACE ni de remplacer le cadre européen. Nous avons un cadre d’accompagnement qui modernise un texte qui préexistait et qui reprend des éléments nouveaux qui n’existent pas, ni dans le cadre européen ni ailleurs, et pour lequel nous avons ainsi une pièce législative utile plutôt que d’avoir un texte qui n’est plus pertinent aujourd’hui et qui ferait doublon par rapport à d’autres législations.
Réplique de N. Janssen. – Je tenais également à remercier le ministre pour l’ensemble de ses réponses très précises et complètes, à l’exception de la question du panel citoyen. En effet, actuellement, le décret ne prévoit pas d’autres formes de consultation citoyenne que le panel citoyen. Comme on l’a déjà dit, c’est bien que la base légale soit prévue. Il y a certaines avancées qui sont reprises, mais, à notre sens, il aurait été intéressant de ne pas exclure d’autres options. On parle parfois des systèmes de votation, comme cela se fait en Suisse. Il y en a d’autres. On a l’impression que, de la manière dont c’est formulé ici, c’est plutôt restrictif et que l’on ferme plutôt la porte à d’autres formes de consultation ; on va exclusivement dans la direction du panel citoyen. À nouveau, merci pour l’ensemble de vos réponses sur ce sujet tellement important.