QO 03/04/23 au Ministre Henry : La stratégie de la Wallonie en matière de biomasse
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, l’augmentation de l’autonomie énergétique de la Wallonie passera par un mix équilibré d’énergies renouvelables. On sait que c’est l’une de vos priorités. La production de chaleur renouvelable visée à l’horizon 2030 est de 15,6 térawattheures, soit une croissance de 180 % par rapport à la situation actuelle. L’ensemble des technologies et des secteurs – à savoir le solaire thermique, les pompes à chaleur, la géothermie et la biomasse – sont concernés pour atteindre cet objectif. Une stratégie biomasse-énergie a été annoncée dans la stratégie Réseau de chaleur et, comme mentionné dans la DPR, le Gouvernement s’est engagé à appuyer le développement des diverses formes de chaleur renouvelable, en fonction de leurs avantages respectifs, via un ou des mécanismes appropriés, et à favoriser les unités de biomasse décentralisées, afin d’exploiter les sources renouvelables locales et créer des emplois locaux. Ces projets devront maximiser la valorisation des ressources au meilleur coût. Ce développement repose sur la stratégie de la Wallonie en matière de biomasse, qui s’appuie sur un ensemble de politiques, de plans, de législations et de soutiens. Parmi ceux-ci, on retrouve le plan Air-Climat-Énergie, qui vient d’être adopté en deuxième lecture et dont l’une des politiques vise à mettre en place un cadre favorable pour l’utilisation durable de biomasse, mais également la stratégie Chaleur durable, en vertu de l’article 14 de la directive « Efficacité énergétique » et d’une série d’aides et de soutiens en fonction des publics cibles. La Stratégie Circular Wallonia souligne, quant à elle, la nécessité pour la Wallonie de revaloriser et d’optimiser l’usage des ressources naturelles, dont la biomasse. Ces différents documents sont liés. La fin de la législature approche à grands pas. Or, la stratégie biomasse-énergie wallonne est à l’étude depuis plusieurs années maintenant. Quand envisagez-vous de la finaliser ? Sera-t-elle adoptée d’ici la fin de la législature ? Quelles sont les prochaines étapes ? Il y a quelques mois, vous avez spécifié que des mesures, alors soumises à l’analyse par votre cabinet, étaient prévues concernant la mise en œuvre de cette stratégie. Cette phase d’analyse est-elle à présent terminée ?
M. Philippe Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – Monsieur le Député, la transition énergétique vers un mix énergétique renouvelable et durable inclut effectivement une contribution des différentes formes d’énergies renouvelables, dont la biomasse-énergie, et des investissements y sont et seront associés. La stratégie biomasse-énergie s’appuie sur un ensemble de politiques, de plans, de législations et de soutiens. Cet ensemble est constitué notamment du Plan national pour l’énergie et le climat (PNEC), du plan Air-Climat-Énergie (PACE), de l’AGW « Durabilité et gaz à effets de serre » et d’une série d’aides et de soutiens en fonction des publics cibles. Ce 21 mars 2023, le Gouvernement a adopté le PACE 2030. Celui-ci reprend des mesures pour développer la filière biomasse-énergie. Certaines poursuivent les mesures commencées dans le PACE précédent et d’autres mesures sont nouvelles. Outre les mesures transversales sur les énergies renouvelables, il y a des mesures spécifiques à la biomasse. Premièrement, il s’agit des mesures pour la mise en place d’un cadre favorable pour l’utilisation durable de la biomasse, à savoir :
- élaborer un cadre régissant l’usage de la biomasse, toutes sources confondues, à des fins énergétiques ;
- développer des outils pour vérifier les critères de durabilité de la biomasse.
L’AGW « Durabilité », en cours d’adoption, est un premier pas pour la concrétisation de ces deux points. Il y a également d’autres mesures :
- revoir la réglementation sur les chaudières biomasse et l’étendre aux poêles biomasse ;
- mettre en place une prime au remplacement des systèmes de chauffage individuels biomasse peu performants par des installations permettant de réduire drastiquement le rejet de particules. Sur ce point, dans la révision des primes actuellement en cours, les montants des primes pour une chaudière biomasse et pour un poêle biomasse ont été largement revus à la hausse.
- sensibiliser les gestionnaires de recyparcs en vue d’analyser les possibilités de raffiner le tri et la valorisation locale de la biomasse-énergie des recyparcs, et ce, en vue d’avoir davantage d’économie circulaire et moins de pollution des matières.
La qualité de l’air n’est pas laissée de côté puisque, dans le domaine résidentiel, il est prévu d’interdire l’installation de nouveaux feux ouverts à bois à partir de 2024, à l’exception des biens patrimoniaux classés. En cas de pic de pollution, il sera recommandé d’éviter l’utilisation du chauffage au bois d’agrément s’il ne s’agit pas du moyen de chauffage principal. De plus, la sensibilisation des utilisateurs sur les risques et les bonnes pratiques sera poursuivie en intensifiant la communication sur les systèmes et le bon usage d’installation de chauffage propre et performante. Cela fait notamment référence à la campagne de sensibilisation « La maîtrise du feu », en cours depuis 2016.
Deuxièmement, il s’agit des mesures pour développer la filière biogaz et gaz de synthèse – e-gas. Il s’agit ici de :
- fixer des objectifs contraignants d’intégration de gaz renouvelable dans le mix des fournisseurs de gaz, en tenant compte des capacités de production locale, et à des prix de marché. Cela pourra faire partie de la stratégie de sortie du gaz fossile, également prévue dans le PACE ;
- créer le cadre légal pour les biogaz en lien avec le cadre et le calendrier européens ;
- évaluer l’opportunité d’un mécanisme de financement de la production de biogaz, biométhane, non restreint à la production d’électricité, et, le cas échéant, le mettre en place sans entrer en concurrence avec l’usage premier nourricier des terres agricoles ;
- lancer des projets pilotes de production de biométhane et biogaz à partir d’intrants nouveaux ou encore sous-exploités ou inexploités en Wallonie ;
- mettre en place les certificats de garantie d’origine relatifs à la production de biogaz.
L’administration travaille activement à la mise en place de cette dernière mesure.
Troisièmement, il est prévu des mesures pour encadrer le développement de la biométhanisation, à savoir :
- établir un cadre permettant le développement raisonné de la biométhanisation en évitant les potentielles dérives ;
- encadrer et conseiller les porteurs de projets de biométhanisation ;
- soutenir tous les acteurs, en ce compris les agriculteurs, dans l’installation d’un digesteur, permettant la biométhanisation.
Enfin, le PACE prévoit de développer la filière des biocarburants de 2e et 3e génération, notamment en soutenant des projets pilotes pour la production de biocarburants de 2e génération, et la recherche pour la production de biocarburants de 3e génération, dans le respect des critères de durabilité et sans rentrer en concurrence avec la fonction nourricière première des terres agricoles. Il s’agit donc d’un ensemble de mesures pour mettre en place la stratégie Biomasse, qui ne pourront cependant pas toutes être mises en œuvre simultanément.
Réplique de N. Janssen. – Merci, Monsieur le Ministre, d’avoir détaillé les volets prévus dans la stratégie Biomasse. Il est vrai que la valorisation des déchets en biomasse mérite une attention claire. Je pense qu’elle a besoin de ce cadre suffisamment lisible et réaliste. Les acteurs ont également besoin d’une vision suffisamment précise, de manière à pouvoir s’organiser et agir en conséquence. Nous allons dans la bonne direction. En ce qui concerne la biométhanisation, j’y reviens dans un instant.