QO 06/02/24 à la Ministre Tellier : La dénonciation par les agriculteurs de l’absence d’adaptation des mesures environnementales par rapport à la réalité
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Question (Nicolas Janssen). – Madame la Ministre, nos collègues ayant déjà évoqué certaines raisons de la colère des agriculteurs, je voudrais m’attarder sur deux points qu’ils dénoncent régulièrement. Les mesures environnementales en place sont-elles déconnectées de la réalité économique, voire mal calibrées ? À titre d’exemple, je citerai l’objectif de 25 % de bio en 2030 fixé par l’Europe. Vous avez souhaité porter cet objectif à 30 % en 2030. Je ne conteste certainement pas l’objectif, mais la demande n’est malheureusement pas au rendez-vous en Wallonie. Atteindre ces objectifs en quelques années sans l’accompagnement adéquat n’est-il pas utopique ? Est-il nécessaire de mettre une telle pression sur le secteur ? Les agriculteurs ont besoin d’être accompagnés. Dès lors, n’est-il pas légitime de penser que certains de ces objectifs ne sont pas calibrés et qu’ils sont déconnectés des réalités ? Que peut-on répondre à ces critiques ? Les collègues ont déjà parlé des charges administratives croissantes et des contrôles exacerbés qui sont très régulièrement pointés du doigt par le secteur et les agriculteurs. À cet égard, en mars dernier, la Ville de Genappe menait une enquête sur la qualité de vie des agriculteurs. Il ressortait des entretiens que les agriculteurs souffrent de lourdeurs administratives, de contraintes et d’une obligation constante de se justifier. La conclusion du rapport indique qu’ils sont demandeurs de pistes pour l’avenir, d’entraide et de collaboration entre eux, de filières de mutualisation, mais qui ne sont pas suffisamment présentes. J’ai déjà soulevé dans le cadre de cette commission l’inadéquation des charges administratives dans la lutte contre les dégâts dus aux corvidés qui participent à l’impatience croissante du monde agricole. Nous avions cité les délais extrêmement longs et les procédures compliquées pour obtenir des dérogations en la matière. Vous avez instauré, il est vrai, une procédure simplifiée permettant de répondre à certains de ces besoins, mais ne pourrions-nous pas veiller à être plus proactifs, à anticiper davantage les besoins et à répondre à la difficulté des conditions de vie qu’ils connaissent ? Un autre exemple est l’extrême complexité des appels à projets et la multiplication de ceux-ci. Je discutais récemment avec un agriculteur du Brabant wallon qui souhaitait proposer ses produits maraîchers au CPAS et à plusieurs cantines des environs. Quand il a constaté la complexité administrative que représentait le dossier, il a tout simplement abandonné. Vous disiez récemment que la transition environnementale passe par notre assiette. Or, l’exemple de nombreux agriculteurs montre que, trop souvent, les mesures en place ne sont pas adaptées pour favoriser une agriculture de proximité, une agriculture telle que vous la décrivez. Il y a eu des améliorations, mais insuffisantes. Que répondez-vous dès lors à ces agriculteurs ? Que proposez-vous pour simplifier les procédures administratives et améliorer l’efficacité des procédures en place ?
Mme Tellier, Ministre de l’Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal. – Mesdames et Messieurs les Députés, merci pour vos différentes questions et interpellations relatives à cette colère bien légitime de nos agriculteurs wallons. Ces derniers, vous l’avez rappelé, sont aujourd’hui sous pression et ils se font entendre dans nos rues, à la fois au sujet de contraintes administratives de plus en plus nombreuses, mais également, encore plus fondamentalement, d’un modèle économique ultralibéral et conservateur qui les étrangle et d’une dérégulation du marché mondial avec une mise en concurrence déloyale, tout cela aboutissant avec d’autres éléments, à un revenu largement insuffisant en comparaison, il faut le reconnaître, au travail harassant qui est réalisé par nos producteurs. Nos agriculteurs, nos agricultrices, celles et ceux qui nous nourrissent sont donc à bout et je les comprends. Je tiens donc à leur exprimer à nouveau mon soutien à cet égard. Je voudrais néanmoins qu’on ne se trompe pas de cible. Nos agriculteurs ne remettent pas en cause la nécessaire transition environnementale. Ils en sont d’ailleurs d’indispensables partenaires. Je lisais encore hier dans la presse, la FUGEA, qui signifiait que « Le Green Deal est indispensable et faire machine arrière sur les conditions environnementales est un mauvais signal ». À ce sujet, je voudrais peut-être directement répondre à vos différentes questions sur les déclarations européennes. Je ne peux que regretter, bien sûr, que l’on s’attaque aux mesures environnementales ou qui visent à protéger la santé des personnes, notamment les riverains, mais aussi bien sûr, les agriculteurs qui sont les premières personnes concernées. Et je déplore à cet égard la déclaration de la Commission sortie aujourd’hui, de retirer sa proposition de diminuer de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2030. Aucun des syndicats agricoles que j’ai rencontrés la semaine dernière à mon cabinet n’a d’ailleurs exprimé de demande de voir le niveau de protection de la santé publique ou de l’environnement diminuer, bien au contraire. Leur demande est claire et d’une certaine manière, elle est simple. Elle est que les moyens mis en place soient réalistes sur le terrain et pragmatiques. Et ça, je peux totalement l’entendre. J’ai d’ailleurs suivi comme ligne de conduite d’être ambitieuse sur l’horizon, mais pragmatique sur le chemin. Et c’est, je pense, ainsi, et j’en suis persuadée, que nous garderons d’ailleurs tout le monde à bord pour cette transition environnementale, qu’il s’agisse des agriculteurs ou d’autres personnes. Car mettre à mal les nécessaires avancées environnementales, c’est scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Celles et ceux qui nous nourrissent subissent en première ligne les conséquences des dérèglements climatiques. Ce sont eux qui voient chaque année, chaque été, leurs sols asséchés ou qui subissent l’érosion des sols. Ils savent mieux que quiconque, par la réalité agronomique justement de leur travail, que les temps changent et que la transition est nécessaire pour protéger leur principal outil de travail qui est la terre. La colère du monde agricole, elle vient, je pense que tout le monde le reconnaîtra, d’un modèle économique ultra libéral et conservateur qui étrangle aujourd’hui nos producteurs, qui entraîne inexorablement les agriculteurs dans une concurrence totalement déloyale, qui pousse à développer des marchés communs et des zones de libre-échange qui aujourd’hui sont malheureusement imbuvables, telles que le MERCOSUR qui oblige à produire toujours plus sans pour autant bénéficier d’une rémunération décente et qui contribue dans le même temps à l’amplification des dérèglements climatiques et à l’affaiblissement de celles et ceux qui nous nourrissent. Nos agriculteurs l’ont dit haut et fort : ils veulent changer de système. C’est le cœur de leur message et de leurs revendications. Ils ne veulent plus être les victimes de ces dérèglements de marchés. Je suis bien sûr à leurs côtés pour y parvenir dans le cadre des compétences qui sont les miennes. Vous le savez, je ne suis ni en charge de l’agriculture ni en charge de l’économie. Et donc chacun, évidemment, agit dans le cadre des compétences qui sont les siennes. En tant que ministre de l’Environnement, également en charge de l’alimentation durable, c’est dans ce cadre que je travaille en collaboration avec le monde agricole pour accompagner nos agriculteurs dans ce changement de système. Et je ferai ma part, bien sûr, comme je l’ai déjà annoncé, notamment pour réduire la surcharge administrative et pour trouver des solutions pragmatiques sur le terrain. Quelques éléments concrets. Ce sera le cas tout d’abord pour permettre, comme je m’y étais engagé, l’accès du bétail aux cours d’eau sur une longueur de quatre mètres. Cet assouplissement des règles en matière d’accès du bétail aux cours d’eau, qui doit évidemment se faire dans une mesure simple d’application, je l’ai répété aux organisations agricoles, nous l’avons validé en première lecture par le Gouvernement avec une modification décrétale. Une seconde lecture va suivre dans les toutes prochaines semaines. J’ai bien entendu les demandes du secteur agricole pour que les modalités pratiques permettant cet accès soient les plus simples d’application, j’y veillerai. Le deuxième élément qui concerne mes compétences directes, ce sera également le cas pour répondre aux critiques que l’on peut entendre sur une certaine agriculture de date. Il est clair que je me suis engagée à envisager des dates mobiles plutôt que fixes pour les obligations relatives au Programme de gestion durable de l’azote. Je m’y suis engagée devant les agriculteurs et je le ferai. Dans un contexte de changement climatique, cela fait sens de pouvoir avoir une certaine flexibilité sur les dates nécessaires pour l’application d’un certain nombre d’obligations. Au-delà du PGDA – du Programme de gestion de l’azote qui me concerne –, la question de l’agriculture de date concerne également de nombreuses autres mesures de la PAC, puisque le PGDA n’est pas issu directement de la PAC, qui relèvent cette fois des compétences de mon collègue en charge de l’Agriculture, le ministre Borsus, mais je ne doute pas qu’il sera aligné sur cette question. Troisième élément, toujours en ce qui concerne le Programme de gestion de l’azote, un élément régulièrement mis sur le tapis par les organisations agricoles est la question de la cartographie des risques d’érosion et des risques spécifiques pour la gestion des nitrates, qui avait été proposée, en concertation avec les organisations d’ailleurs, en 2020 à la Commission, pour que les mesures prévues dans la PAC et le PGDA soient cohérentes. C’est un peu technique, vous m’en excuserez, mais c’est un point important. Ce qui explique la difficulté aujourd’hui d’avoir une cartographie unique, c’est justement que cette cartographie nouvelle avait permis d’enrayer le contentieux que nous avons avec la Commission européenne, ce contentieux étant enfin levé depuis fin 2023. Sans entrer trop dans la technicité, il faut savoir que le PGDA est ce que l’on appelle un plan-programme, dont la modification implique une procédure assez longue passant par différentes phases, dont une enquête publique. Changer le référentiel cartographique n’est malheureusement pas quelque chose qui peut se faire d’un claquement de doigts. Cependant, la décision prise par le Gouvernement de revenir temporairement au système R10-R15 dans le cadre cette fois de la PAC nous conduit aujourd’hui à avoir deux systèmes cartographiques parallèles. Cela peut inquiéter les agriculteurs sur le terrain et cela peut, je l’entends, complexifier la situation également, d’autant que les dispositions permettant d’obtenir des dérogations à certaines interdictions d’épandage ont été abrogées par la modification du texte de la PAC. Il faut donc œuvrer sur ce sujet à une solution rapide qui respecte la loi et qui nous évite un nouveau contentieux juridique avec la Commission et qui puisse surtout aussi rester cohérente sur le terrain et préparer l’avenir. J’ai entendu les souhaits des syndicats agricoles à ce sujet de prendre en compte différents éléments, pas un ou deux ou trois, mais davantage sur le terrain, qui permettent de lutter contre l’érosion. Nous y travaillons dans le dialogue avec les organisations agricoles. Le quatrième élément qui concerne mes compétences, c’est la révision de l’arrêté du Gouvernement de 2013 relatif aux pesticides. Ce travail a fait l’objet d’un long chantier de simplification et de clarification avec l’administration, le Département de la police et des contrôles, afin de rendre ce texte – revu à de nombreuses reprises – plus clair et compréhensible, mais aussi plus aisé à respecter sur le terrain, tout en protégeant davantage les populations riveraines. Là aussi, les échanges ont démarré depuis plusieurs semaines avec les organisations agricoles, avec de nombreux échanges sur le plan scientifique et aussi sur le plan politique, avec ces différents acteurs. Ces échanges se poursuivent dans le bon dialogue qui a été le nôtre jusqu’à présent. Je voudrais également insister sur une demande qui est peut-être plus transversale, qui est la culture administrative, ou en tout cas une culture qui peut être ressentie par les agriculteurs comme une culture du contrôle. Il faut en convenir, la situation sur le terrain fait qu’ils doivent répondre à énormément de contrôles, pas uniquement pour des raisons environnementales, pour des raisons d’aides de la PAC surtout de façon générale, en ce compris pour des éléments environnementaux. Loin de moi l’idée de penser qu’il ne faut aucun contrôle, mais je pense que nous devons encourager – c’est en tout cas dans ce sens que je vais y revenir, je travaille aussi dans le cadre de mes compétences – à favoriser aussi un accompagnement sur le terrain qui permette de conseiller concrètement les agriculteurs qui ont envie d’avancer pour pouvoir, pas uniquement actionner le bâton, mais aussi actionner la carotte ou en tout cas l’accompagnement concret et le conseil. Je voudrais également souligner que nous avons travaillé comme jamais durant cette législature, pour soutenir la relocalisation de notre alimentation et la souveraineté alimentaire en Wallonie, et favoriser ainsi nos producteurs locaux, non pas à la marge, non pas dans des schémas de niche qui ne toucheraient que quelques personnes, quelques producteurs, quelques consommateurs, mais en travaillant sur l’ensemble des filières alimentaires. D’une part, pour des raisons de soutien direct à nos agriculteurs locaux, et, d’autre part, parce que, soyons cohérents, nous exigeons pour la protection de nos concitoyens et de notre environnement des modes de production qui préservent mieux notre eau, notre sol, notre air. Il est dès lors normal et légitime de privilégier nos produits locaux et nos produits bios. Monsieur Janssen, effectivement, le Gouvernement, ce n’est pas moi toute seule. D’ailleurs, je n’étais pas là au moment de la rédaction de l’accord de gouvernement. Vous avez évoqué l’objectif de superficies agricoles en bio. C’est un objectif de gouvernement qui est ambitieux. On doit avoir de l’ambition en Wallonie. On est l’une des régions les plus avancées en la matière. Cependant, vous avez raison, il faut travailler sur l’augmentation de la demande. C’est ce que nous avons fait aussi fortement sur cet enjeu de souveraineté. Pour des raisons purement stratégiques, retrouver une maîtrise de notre alimentation me paraît du bon sens dans des temps géopolitiquement mouvementés. Il suffit de se souvenir de la déstabilisation des marchés suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie pour s’en convaincre. Cette souveraineté alimentaire, nous la soutenons à travers de multiples projets. Nous avons le plan d’action Food Wallonia qui est l’alliance Emploi-Environnement pour l’alimentation que je porte avec mes collègues du Gouvernement. Notons l’analyse très concrète des filières à potentiel de développement en Wallonie qui a permis d’identifier les fruits, légumes, céréales et protéines à soutenir prioritairement pour rééquilibrer quelque peu la balance entre ce que nous importons et ce que nous exportons. Il y a également le soutien concret financier à plus d’une centaine de projets de relocalisation alimentaire, à travers à la fois du soutien au personnel, mais aussi à des investissements dans le cadre du Plan de relance. Près de 60 millions d’euros ont été dégagés à cet égard, avec de nombreuses infrastructures de transformation des produits agricoles qui vont pouvoir être développées dans les prochains mois et années, afin d’offrir de nouveaux débouchés locaux aux agriculteurs et éviter d’aller exporter une matière première qui serait transformée ailleurs, puis qui reviendrait dans nos hard discount, nous permettant d’être mal payés.La mise en œuvre du plan d’action Terraé vise à soutenir la transition agroécologique en Wallonie – je parlais de dispositif d’accompagnement, c’en est un – en accompagnant les agriculteurs dans cette voie, avec notamment le financement de groupements d’agriculteurs. On touche aujourd’hui près de 400 agriculteurs pour cheminer vers l’agroécologie, de façon volontaire. Le développement – c’est important – d’un outil, que l’on appelle l’outil DECiDE, permet une évaluation de la durabilité des exploitations agricoles. Nous avons enfin une étude sur la rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs. C’est aussi une façon de soutenir le revenu agricole. L’ensemble de ces projets est régulièrement mis en avant par les agriculteurs, comme des pistes de solutions pour améliorer la diversification et l’amélioration de leurs revenus. Enfin, il y a le soutien à la consommation de produits bios et de produits locaux dans les cantines de collectivité. Plus de 350 cantines sont engagées dans cette dynamique, comme les cantines des homes, des écoles, des hôpitaux, des entreprises, en imposant le recours à une liste précise de produits, par exemple, et en prenant en charge financièrement une partie du coût de l’assiette pour soutenir le recours à des produits de qualité. Je pense que vous en conviendrez, l’objectif est de nourrir nos enfants, nos aînés, nos travailleurs, avec des produits de qualité issus d’une production locale, plutôt que de soutenir les hard discount internationaux. Ma conviction, c’est que nous devons encore aller plus loin. Je vous présente quelques pistes à cet égard. Premièrement, depuis deux ans, le secteur de l’alimentation, organisations agricoles comprises, plaide pour ce qu’on appelle l’exception alimentaire dans les marchés publics, c’est-à-dire le fait de pouvoir revendiquer au niveau européen, de privilégier nos productions locales dans nos marchés publics, à l’instar de ce qu’on appelle l’exception culturelle dans le secteur artistique. J’y suis pleinement favorable. La clause du local doit pouvoir s’écrire en toutes lettres dans nos marchés publics. Ce serait une mesure concrète qui favoriserait nos producteurs et qui doit être soutenue aux niveaux national et international. Le deuxième élément est d’imposer les mêmes réglementations environnementales, sociales et sanitaires aux produits importés qu’à ceux que nous cultivons sur nos terres européennes. C’est ce que les entreprises appellent dans le secteur climatique le level playing field, cher aux partis libéraux. C’est une façon très directe d’aligner par le haut les standards mondiaux plutôt que de nous tirer vers le bas et de nous aligner à des pays qui ne respectent ni leurs producteurs, ni la santé publique, ni l’environnement. Quel est le modèle social et environnemental que nous voulons au niveau européen ? Telle est la question centrale qui se pose aujourd’hui. Troisième piste : un travail de fond de grande ampleur doit certainement être réalisé autour des revenus, notamment autour des marges du secteur de la distribution. Lors des crises que nous avons vécues, j’ai mis en place un soutien aux petits points de vente et aux producteurs locaux qui se voyaient concurrencés par le hard-discount. Malheureusement, les distributeurs n’ont pas joué le jeu, durant les crises, pour préserver les filières et, aujourd’hui, ils se font rattraper. La concertation de chaîne doit être relancée. Du jour au lendemain, les distributeurs ont cessé, pour certains d’entre eux, de s’approvisionner auprès des coopératives locales ou des filières bios pour aller chercher des équivalents bradés dans les pays voisins. Cette concurrence à laquelle les agriculteurs doivent faire face est rude et déloyale. Elle met à mal les politiques que nous avons mises en place. C’est inacceptable. Quatrième idée : un observatoire des marges aux différents niveaux de la filière me semble nécessaire. Si, aujourd’hui, la distribution se vante du pourcentage élevé de viande, de lait et de légumes belges dans les rayons, nous nous attendons à ce que cela ne se limite pas à des produits frais qui seront les premiers sur lesquels la distribution lance des promotions 2 + 1 gratuits. Comme avec tous les acteurs de la chaîne, les transformateurs et les distributeurs qui se veulent engagés dans la voie de la durabilité doivent prendre des actes forts pour mettre, dans leurs assortiments, aussi des produits transformés à partir de produits locaux. Ces différents éléments, ces différentes pistes ne relèvent pas tous de mes compétences directes. Je laisse donc mes collègues – et en l’occurrence, mon collègue, le ministre Borsus, en charge de la compétence – se positionner. J’appuierai toute initiative en ce sens, de même que d’autres initiatives relatives à des enjeux structurels du monde agricole : l’accès à la terre, le renouvellement des générations, notamment, qui sont des éléments essentiels pour nos agriculteurs. Je terminerai, Monsieur le Président, si vous me le permettez, par quelques mots très rapides sur le MERCOSUR. Au niveau européen, aujourd’hui, aucun engagement n’a été clairement pris à ce stade concernant ce traité. C’est regrettable. La France, mais aussi la Wallonie – soyons en fiers – ont annoncé qu’elles ne ratifieraient pas le texte à ce stade. Je me réjouis que le Gouvernement se soit engagé avec la plus grande fermeté contre ce traité, tant il symbolise la concurrence déloyale dénoncée par le monde agricole.
Réplique de N. Janssen. – Madame la Ministre, je suis bien d’accord avec la nécessité d’avoir de l’ambition que vous évoquez. Cependant, je pense qu’il est impératif que cette ambition soit ancrée dans les réalités socio-économiques. Je suis bien d’accord aussi quand vous dites qu’il s’agit de travailler sur l’augmentation de la demande. Oui, tout à fait. Vous citiez, par exemple, les cantines scolaires, mais, à mon sens, il y a trop souvent un décalage regrettable avec la dynamique entrepreneuriale pour des initiatives de ce type, ce qui fait qu’elles ne se développent pas autant qu’on le souhaiterait. J’entends bien que vos intentions sont là. Mais, au niveau de la transformation et de la concrétisation, ce qui, à mon sens, fait défaut est ce lien avec la dynamique entrepreneuriale et l’ancrage dans la réalité socio-économique. Pour conclure, l’observatoire des marges que vous mentionnez est vraiment intéressant. Je serais très curieux de pouvoir analyser ce qui en résultera.