QO 06/03/23 au Ministre Henry : Les bornes publiques de rechargement pour véhicules électriques
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, la Wallonie dispose actuellement d’un nombre insuffisant de stations de recharge pour les voitures électriques – je pense que cela a été déjà largement répété –, je commencerai par quelques chiffres. Avec une moyenne de 9 points de recharge pour 100 kilomètres et seulement 73 stations de recharge pour 100 000 habitants, notre territoire est largement distancé par beaucoup d’autres pays. Je prendrai comme exemple les Pays-Bas, qui en compte en moyenne 65 pour 100 kilomètres, soit près de sept fois plus que chez nous, et 317 stations de recharge publiques pour 100 000 habitants, soit près de quatre fois plus que chez nous. En outre, il faut compter avec une différence trop faible entre le coût, l’indicateur généralement utilisé, le TCO, total cost of ownership, le coût total de possession d’une voiture thermique et d’une voiture électrique. Prenons l’exemple des Pays-Bas, où ce TCO par kilomètre d’un véhicule 100 % électrique est de 0,32 centime contre 0,36 centime chez nous, ce qui s’explique principalement par les prix excessifs pratiqués sur les réseaux de recharge publics. La problématique des prix excessifs des bornes de recharge électrique publiques se pose ; car leur installation, leur gestion et leur entretien engendrent des coûts importants pour les opérateurs qui doivent les amortir ; ces coûts se répercutent ensuite sur les utilisateurs qui doivent payer des tarifs parfois jugés prohibitifs. Par ailleurs, le marché des bornes de recharge est encore émergent et le nombre d’opérateurs en concurrence reste faible, ce qui peut entraîner une certaine forme de monopole et des prix plus élevés que dans d’autres secteurs concurrentiels. Monsieur le Ministre, en dehors de la cartographie identifiant les 2324 sites propices à l’installation de bornes, quelles sont les mesures prises par le Gouvernement wallon afin d’inciter les gestionnaires privés des sites accessibles au public de se lancer dans le déploiement effectif de ces bornes ? Enfin, il existe des solutions favorisant le développement d’un parc automobile électrique, comme les partenariats public-privé, le développement de normes et de standards pour les bornes – ce qui favorise l’interopérabilité et la concurrence –, inciter les opérateurs à utiliser des énergies renouvelables moins coûteuses, proposer des tarifs réglementés pour ces bornes ou encore de favoriser la mise en place de réseaux de recharge intelligents, qui permettent de gérer la demande en énergie et d’optimiser l’utilisation des bornes de recharge. Afin de développer davantage l’électrification du parc automobile wallon, n’est-il pas urgent d’encourager la concurrence, de réduire les coûts pour les opérateurs et de proposer des tarifs réglementés pour les bornes de recharge publiques ?
M. Philippe Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – Mesdames et Messieurs les Députés, dans le cadre du Plan de relance, la Région wallonne s’est engagée à développer son réseau de bornes de rechargement pour les voitures électriques. Ce projet a pour objectif de développer 4 000 points de rechargement publics dès 2025 et 2 000 points supplémentaires en 2026 – par ailleurs, 1 000 sur la SOFICO. Ce projet ambitieux est en cours de réalisation et se concrétisera dans les temps impartis. Cependant, vu l’augmentation drastique des coûts liés à l’indexation, l’objectif a été revu de 10 % à la baisse afin de permettre la réalisation du projet à budget inchangé. Le nouvel objectif prévoit donc l’installation de 5 400 points de rechargement en 2026. Concernant l’avis de l’Union des villes et communes de Wallonie, j’ai lu leur rapport et leur avis est clairement moins tranché que ce qui est paru dans la revue de presse, comme cela a été évoqué. Premier élément important de la situation, les contraintes et les problèmes rencontrés dans les villes sont très différents des zones plus rurales. Les remarques de l’avis méritent donc d’être nuancées, notamment en fonction des zones dans lesquelles on se trouve. En effet, il y a une grosse crainte au niveau du rechargement des voitures à domicile sans borne de rechargement et donc via un câble électrique traversant la voirie. Cette pratique majoritairement rencontrée en ville n’est pas autorisée sans accord de la commune. Il est évident que la sécurité des citoyens doit rester notre priorité absolue. Une autre crainte est l’absence de borne dans certaines régions de la Wallonie. L’appel à intérêts lancé en novembre 2022 prend donc tout son sens, car il permet d’atténuer cette problématique. D’ailleurs, les communes montrent un intérêt à cet appel vu que les 103 courriers traités à ce jour par mon administration 103 sur 703 courriers, 103 réponses positives ont été comptabilisées. L’appel à intérêts laisse le choix aux communes de l’emplacement précis où se développeront les futures bornes de rechargement électriques. La seule contrainte concerne l’emplacement qui doit se situer dans une zone verte ou orange de la cartographie qui a été présentée à la commission et réalisée en collaboration avec les agences de développement du territoire et les GRT. Les communes peuvent donc encadrer l’emplacement des bornes publiques afin de les placer dans des endroits stratégiques et permettre aux citoyens de recharger leurs voitures sans être en infraction. Ce projet permet aussi de déployer des bornes sur l’ensemble du territoire wallon. En effet, les futurs lancements de marchés pourront se faire sur l’entièreté du territoire de chaque intercommunale. Ainsi, les futurs concessionnaires pourront être intéressés par l’installation de bornes dans des localisations moins rentables grâce à l’installation de bornes dans des régions plus rentables. La cartographie identifiant les sites propices à l’installation de bornes dans toute la Région wallonne a été réalisée en considérant le réseau électrique actuel. Il est donc certain qu’il n’y a pas une homogénéité parfaite du nombre de sites de déploiements possibles. Le Brabant wallon est, en effet, légèrement défavorisé en termes de nombre de bornes par densité de population, mais est davantage favorisé en termes de nombre de bornes par superficie, par kilomètre carré. Il y a toujours plusieurs manières de voir les choses. J’aimerais également préciser que cette cartographie a été réalisée pour l’implémentation de bornes lentes, voire semi-rapides, d’un maximum de 22 kilowatts. Elle n’est donc pas utilisable pour l’implémentation de bornes rapides. Cette cartographie n’est pas disponible sur un site public, mais elle peut être transmise à toute personne qui la demande. Notons que toutes les communes sont en possession de cette cartographie. En revanche, si l’on regarde la cartographie, on observe facilement que le nombre de sites « verts » est largement dominé par la région de la Ville de Liège. Même si cette quantité est largement supérieure aux autres grandes villes de Wallonie, vous pourriez penser que 97 bornes de recharge publiques sont insuffisantes dans les régions à haute densité de population, et vous avez raison. Cependant, pour ce qui concerne les grandes villes, il est tout à fait possible que la commune lance ses propres marchés en parallèle. En effet, il n’y a pas besoin de soutien de la Région pour que les opérateurs soient attirés par l’implémentation de bornes de rechargement dans les villes. Le business plan montre une bonne rentabilité sur 10 ans. Les opérateurs ne demandent qu’une chose : qu’on leur accorde une concession sur l’espace public des grandes villes. J’entends bien la demande d’un nombre très important de bornes, mais je rejoins assez bien ce qui a été dit par M. Fontaine : le déploiement doit s’accompagner de l’évolution du parc de voitures. Il ne faut pas non plus avoir trop de bornes sous-utilisées, qui vont coûter extrêmement cher. C’est là tout l’enjeu : avoir un déploiement qui se fait plus ou moins au même rythme et qui peut donc se répartir sur l’ensemble du territoire. S’il y a des souhaits d’avancer plus vite dans certaines communes, c’est toujours possible, mais la Région doit en tout cas veiller à ce que le déploiement se fasse sur l’ensemble du territoire par rapport aux engagements que nous avons pris dans le Plan de relance. Concernant le cahier des charges, une première version avait été rédigée et même envoyée à certaines communes en même temps que l’appel à intérêt. Cependant, le modèle juridique conçu dans ce premier cahier des charges ne fonctionne pas pour toutes les communes. Nous sommes donc en train de modifier le cahier des charges et nous avons préféré ne plus l’envoyer aux communes étant donné qu’il est toujours en cours de modification. Il devrait être finalisé prochainement. L’objectif, si aucun autre problème n’est rencontré, serait que les ADT procèdent au lancement de l’appel après l’été. Concernant la problématique des « voitures ventouses », le cahier des charges permettra de favoriser les bornes connectées afin d’opérer un contrôle des voitures qui stationnent dans un emplacement réservé aux voitures électriques. Il sera ainsi facile d’identifier les véhicules en infraction, qui pourront être verbalisés. Le coût au kilowattheure pratiqué par les opérateurs de bornes électriques est, en effet, un élément préoccupant. Ce paramètre pourrait aussi être encadré dans le cahier spécial des charges. Ainsi, on favoriserait une concurrence et on limiterait une dérive sur les coûts de rechargement électrique. Le cahier des charges prévoit aussi de favoriser des bornes dotées des meilleures technologies disponibles. Les bornes de recharge intelligente, qui permettent de moduler la puissance délivrée en fonction de la disponibilité du réseau électrique, en font partie. Ce paramètre sera inclus dans les critères de sélection du marché public. Concernant le développement des bornes sur les espaces privés, le dossier relatif à la transposition de la directive PEB sur l’électromobilité a fait l’objet de nombreuses discussions au niveau du Gouvernement, avec comme point d’attention de ne pas mettre d’obligations excessives et trop coûteuses, notamment pour les sociétés de logement de service public, qui disposent souvent de parkings adjacents aux logements, ou encore pour des PME qui disposeraient de grands parkings. Des mesures et des encouragements pour favoriser le développement des bornes sur ces espaces font partie de nos objectifs. Maintenant, nous avons choisi de mettre la priorité sur le développement des bornes des espaces publics et du réseau structurant. Vous avez tout à fait raison, Monsieur Desquesnes, il y a aussi ce projet au niveau de la SOFICO. Je n’ai pas le calendrier précis sous la main, mais je pourrai revenir vers vous à ce sujet. Évidemment, il y a encore des étapes à faire, mais j’attire quand même votre attention sur le fait qu’il existe déjà des bornes de rechargement électrique aujourd’hui en différents endroits sur un certain nombre de stations autoroutières. On doit simplement poursuivre ce développement. Concernant le réseau électrique, l’appel à projets porte sur des bornes de rechargement lentes, voire semi-rapides, de maximum 22 kilowatts. En effet, les bornes rapides, voire ultrarapides, ont leur utilité seulement sur le réseau structurant. Comme vous l’indiquez, ces bornes nécessitent d’avoir un réseau très développé en amont. Ce type de bornes doit donc être envisagé seulement lorsque c’est strictement nécessaire, c’est-à-dire lorsque les conducteurs restent sur le stationnement moins de 30 minutes. Pour cette raison, nous n’avons pas lancé de politique concernant le développement de bornes rapides dans les stations-services hors autoroutes et nationales. J’ai préféré mettre l’accent sur l’appel à intérêt pour lequel ce type de bornes n’est pas envisageable. Les puissances nécessaires sont donc suffisantes, surtout que le développement des bornes s’effectuera dans les zones vertes ou orange catégorisées « facilement raccordables » par les GRD. Concernant plus spécifiquement la question de M. Crucke sur les liens entre électromobilité et stations-services, je vous confirme que j’ai pris connaissance et analysé la contribution de la Brafco. Elle amène un éclairage qui est pris en compte, au même titre que les autres, dans la finalisation du PACE par le Gouvernement. Elle part du constat actuel que beaucoup de stations-services sont actuellement en difficulté financière. C’est particulièrement le cas chez les exploitants indépendants par rapport aux stations dirigées par les grands groupes pétroliers. La pression sur les prix et la concurrence mettent à mal la rentabilité des petits exploitants. Il est évident que le développement de l’électromobilité fait que la pose de bornes de recharge en station devient rentable, particulièrement pour les recharges rapides à haute puissance. Les grands groupes font déjà ces investissements. Un soutien à l’investissement pour les petits indépendants est envisageable dans le respect des aides d’État et de la répartition des compétences entre Régions et Fédéral. Je poursuivrai ce dialogue avec les acteurs, dont la Brafco, dans ce sens pour faire le lien avec vos questions sur les carburants alternatifs. Je me permets de rappeler qu’il s’agit d’une compétence « produit » fédérale. Les études convergent pour affirmer que ces carburants alternatifs, comme les biocarburants ou l’hydrogène, ne représentent qu’une petite partie de la solution de décarbonation pour autant qu’ils respectent les critères de durabilité. Les biocarburants sont déjà bien présents en mélange dans nos réservoirs, mais on constate les limites de leur production. Pour résumer, la station-service de demain proposera plusieurs produits. La clé de son développement est l’équilibre financier entre les grands groupes pétroliers bénéficiaires et les indépendants. Il s’agit d’un problème économique, transposable à d’autres secteurs. Il est certain qu’un renforcement de notre réseau électrique doit être analysé. Les réflexions sont en cours, elles n’ont jamais cessé de l’être. La question est plutôt de savoir comment anticiper la charge future sur le réseau. Je pense que réitérer l’exercice de cartographie mené en 2021 et en 2022 ne sera pas du luxe. Il sera aussi nécessaire d’analyser des données de comptage sur base des développements constatés comme d’avoir une évaluation plus fine de la répartition des véhicules sur le territoire ou des flux de mobilité. C’est à ce prix que l’évaluation des investissements à consentir devra être réalisée. À nouveau se posera la question du rôle financier de la Région dans ce cadre. Enfin, concernant les problèmes de sécurité dans les parkings souterrains, ce sont principalement les risques d’incendie et les méthodes pour neutraliser l’inflammation d’une voiture électrique qui sont à l’ordre du jour. L’origine du problème n’est d’ailleurs pas les bornes de rechargement, mais les voitures électriques dans les parkings souterrains, de manière générale. En effet, indépendamment des bornes, la majorité des accidents que nous avons rencontrés se sont déroulés avec des voitures électriques qui n’étaient pas en train de charger. Ce problème doit néanmoins être résolu, mais il doit l’être au niveau fédéral. Des discussions fédérales sont en cours pour résoudre ce problème majeur en discussion avec les représentants des services de secours. Les solutions ne sont pas seulement urbanistiques, mais aussi sur des méthodes d’action pour neutraliser l’incendie de manière tout à fait spécifique.
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