-
Question (Nicolas Janssen). – L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) est un processus éducatif qui implique notamment une réflexion en vue d’accroître les aptitudes des jeunes à opérer des choix éclairés favorisant l’épanouissement de leur vie relationnelle, affective et sexuelle et le respect de soi et des autres. Ce programme prévoit un accompagnement pour les jeunes âgés entre 5 et 18 ans tout au long de leur scolarité. Madame la Ministre, Il semblerait que les travaux concernant le futur Accord de coopération touchent à leurs fins, qu’un accord est attendu prochainement et la première lecture au gouvernement prévue avant la fin de l’année. Est-ce le cas ? Pourriez-vous préciser l’agenda prévu quand à cet accord ? Par ailleurs, l’élaboration du Guide a-t-il été subventionné par la FWB ? Si oui, quel était le budget alloué et qui était à la plume? Quelle est la légitimité officielle de ce document ? En ce qui concerne le fond, Madame la Ministre, des professionnels de la santé, tels que des pédopsychiatres ou psychologues, ont-ils participé à la rédaction et à la révision du protocole ? Selon nos informations, ce ne serait pas le cas. En effet, vu l’influence potentielle de ces sujets notamment sur le bien-être et la santé mentale des jeunes qui, comme vous le savez, me tiennent particulièrement à cœur, il en va de notre responsabilité politique de nous assurer des contenus qui entrent dans l’école, de leur adéquation au développement de l’enfant et que toutes les dispositions ont été prises pour relier ces réalités dans ce cadre. Or, contrairement à ce qui a été affirmé récemment, s’il y a bien eu concertation, il n’y aucunement eu ni processus de validation ni accord. En effet, certains passages du Guide pratique EVRAS soulignés comme problématiques lors de la concertation, sont toujours bien présents. A titre d’exemple, on peut lire dans le volet « sexualité et comportements sexuels » (p.191), que, dès 9 ans, il convient d’aborder le sujet « Reconnaître que les partages de sextos et/ou de nudes peuvent être excitants et être source de plaisir, dans un cadre de confiance et de consentement avec l’autre. Se sentir libre d’envoyer des sextos et/ou des nudes dans le consentement » . Par ailleurs, dans le volet « identité de genre, expressions de genre et orientations sexuelles » (P 160), il est repris que, dès 5 ans, les sujets à évoquer peuvent être « Consolider sa propre identité de genre », «Identifier et exprimer son identité de genre » et (p.165) dès 12 ans prendre des hormones (ou pas), recourir à des opérations chirurgicales (ou pas)… » ou encore ,à 12-14 ans, de « prendre conscience des possibilités de transition pour une personne transgenre en vue d’atteindre son point de confort », ce qui a été souligné par des pédopsychiatres comme est dangereux pour la santé mentale, voire la vie sexuelle adulte des enfants, avec « un risque d’intrusion psychique chez l’enfant qui est potentiellement traumatique ». La question que l’on peut se poser n’est pas seulement de savoir si les âges entre 5 et 12 ans sont effectivement les âges adéquats pour consolider sa propre identité de genre, recourir à des opérations chirurgicales pour changer de genre ou encore reconnaître que les partages de sextos et nudes peuvent être source de plaisir, mais également quels pourraient être les conséquences de ces informations sur les élèves en fonction de leur âge. Quels sont les spécialistes qui ont travaillé sur ce texte et sur base de quels travaux reconnus ont été fixées ces thématiques ? Le cyberharcèlement est une exemple concret des conséquences de l’utilisation non appropriée de sextos et nudes à un âge non adéquat. Il me semble que ce n’est plus à démontrer. Ne convient-il pas d’être draconien dans les sensibilisations à ces sujets en lien étroit avec le cyberharcèlement, afin de ne pas accentuer ce phénomène ? Dès lors, le recours à des professionnels de la santé, tels que des pédopsychiatres ou psychologues spécialisés en la matière, si cela n’a pas encore été le cas, me semble indispensable afin de s’assurer que le contenu respecte bien le développement psychique de l’enfant. Madame la Ministre, mon groupe demande que le texte soit revu par des professionnels de la santé compétents, et adapté en fonction du développement psychique et global de l’enfant. Par ailleurs, vous affirmiez en septembre dernier (suite à une interview polémique dans un manuel scolaire), que vous évalueriez le système de contrôle des contenus des manuels scolaires pour le renforcer le cas échéant. Celui-ci s’applique-t-il au Guide de l’EVRAS et à tous les manuels qui en découlent ? En outre, tout récemment, plusieurs parents d’élèves de l’Athénée Joseph Bracops à Anderlecht ont été désagréablement surpris par un questionnaire dans lequel il est demandé aux jeunes de 12 à 16 ans par l’asbl GRIS d’indiquer leur religion, leur attirance et l’orientation sexuelle de leurs proches. Ce questionnaire tout comme la démarche a de quoi laisser perplexe et invite à s’interroger quant au cadre fixé par le Gouvernement à ces asbl subventionnées. Pouvez-vous, Madame la Ministre, nous informer sur les activités subsidiées de cette association ? Quelles sont ses missions et réalisations ? Le questionnaire problématique s’inscrivait-il dans ce contexte ? Avez-vous plus d’informations sur les raisons et objectifs de ce questionnaire ? Dans quelles écoles a-t-il été distribué ? Des parents d’autres établissements scolaires ont-ils réagi ? En tant que Ministre en charge de l’Éducation, estimez-vous que ces questions liées à la religion et l’orientation sexuelle sont susceptibles d’enfreindre les prescrits légaux ? Enfin, existe-il une liste reprenant les associations reconnues par le Gouvernement de la FWB pour intervenir dans les écoles ? Si oui, sur base de quels critères est-elle élaborée ? Si non, les prestataires sollicités par les écoles sont-ils les mêmes que ceux ayant reçu le label « EVRAS en jeunesse » ? Des contrôles sont-ils effectués ? En effet, nous avons connaissance d’établissements où ni directions, ni enseignants ni personnes extérieures n’ont le droit d’assister aux activités EVRAS pour laisser les enfants se confier aux intervenants EVRAS. Est-ce normal ? Pour mon groupe, ce n’est pas acceptable . Madame la Ministre, je demande que la question des acteurs autorisés dans l’école dans le cadre de l’EVRAS soit clarifiée, assortie de critères stricts, incluant des contrôles à posteriori. Il faut un cadre et un périmètre clair pour pouvoir laisser cette éducation être dispensée en toute sérénité.
Réponse de Mme Désir, ministre de l’Éducation. – Monsieur le Député, je vous confirme que le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté en première lecture l’accord de coopération que j’évoquais en octobre dernier. Le gouvernement wallon et le Collège de la Commission communautaire française (COCOF) ont fait de même. Les lignes de cet accord entreront en vigueur d’ici la rentrée prochaine et le texte suivra son parcours d’adoption dans les prochains mois. Je vous confirme également que la Fédération Wallonie-Bruxelles, aux côtés de la COCOF et de la Région wallonne, a financé l’ASBL O’YES pour l’élaboration des Stratégies concertées EVRAS. Il s’agit d’un espace d’échange coordonné entre trente organismes réunis pour l’élaboration d’un guide destiné aux professionnels qui interviennent dans ce domaine auprès d’enfants et de jeunes. La COCOF a financé la première année de travail avec un budget de 150 000 euros. La Région wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles ont financé la deuxième année travail pour un budget de 75 000 euros chacune, soit 150 000 euros au total. Mes collègues Valérie Glatigny, Bénédicte Linard et Frédéric Daerden ont ensuite cofinancé la mise en page graphique du texte. Parmi les trente organismes ayant participé à la rédaction du guide figurent tous les acteurs de l’enseignement, des représentants des centres PMS et des services de promotion de la santé à l’école (PSE), les fédérations des centres de planning familial, le Délégué général aux droits de l’enfant (DGDE), le Service d’information Promotion Éducation Santé ULB (SIPES), l’Association de recherche et d’action en faveur des personnes handicapées (ARAPH), le Centre bruxellois de promotion de la santé (CBPS), le Centre d’action laïque (CAL), les centres locaux de promotion de la santé de Mons, Soignies et Liège, le service Phare (Personne handicapée autonomie recherchée), le Comité des élèves francophones (CEF), l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse (OEJAJ), Alter Visio et Infor Jeunes. Au total, plus de 145 personnes présentant une expertise en matière d’EVRAS ont participé à la rédaction des textes. Une équipe de 50 relecteurs externes spécialisés en pédagogie et en santé a également participé par la suite. Ce travail s’est notamment appuyé sur la compilation de 89 référentiels nationaux et internationaux en matière d’EVRAS, ainsi que sur un sondage réalisé auprès de 400 élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles âgés de 5 à 18 ans. Ce sondage a permis de prendre connaissance des questions que se posent les enfants, en tenant compte de leur âge. Comme vous pouvez le voir, le guide n’a pas émergé du néant et n’est pas le fruit d’une plume unique. Il est le résultat de la collaboration de multiples intervenants spécialisés provenant de divers horizons et s’appuyant sur une méthode construite. Au vu des nombreuses confusions autour de ce thème, il me paraît essentiel de rappeler que le guide est destiné aux professionnels, lesquels interviennent dans le cadre d’animations encadrées qui sont l’occasion pour les élèves de partager des questions qui les traversent. Ce guide n’est donc pas un programme scolaire, mais un complément: les animations complèteront les référentiels du tronc commun. En outre, le guide se base sur les questions que se posent des élèves de tout âge. Toutefois, le but n’est absolument pas d’anticiper des questions que les enfants ne se seraient pas posées. Cela signifie donc que les animateurs n’aborderont pas systématiquement la notion de transidentité avec les enfants de 5 ans, ou celle des sextos avec les enfants de 9 ans. Cependant, si ces questions sont abordées par les enfants, les animateurs EVRAS seront formés pour y répondre. J’insiste sur le fait qu’à l’avenir, les personnes qui interviendront dans le cadre des animations EVRAS, organisées systématiquement en sixième année primaire et en quatrième année secondaire, devront nécessairement être formées et disposer d’un label qui leur sera délivré par un comité qui réunira les trois entités. Les nouveaux intervenants devront suivre six jours de formation préalable, puis suivre une formation continue au rythme de deux jours tous les trois ans. Les trois formulations que vous relevez, situées au cœur d’un document de plus de 300 pages, ont en effet suscité des réactions; c’est indéniable, et je le comprends. Dans le souci de rechercher le plus grand consensus possible autour de cette démarche, nous avons chargé les auteurs du guide de se pencher à nouveau sur ces trois passages et d’envisager leur reformulation, le cas échéant, en élargissant encore le champ des personnes consultées. J’insiste sur ce point, car la généralisation de l’EVRAS et la labellisation des opérateurs autorisés à intervenir dans les écoles sont des objectifs que nous poursuivons depuis longtemps. C’est une préoccupation fondamentale. Je ne voudrais pas que les bienfaits de la généralisation de l’EVRAS soient passés sous silence en raison de trois formulations contestées pour l’une ou l’autre raison. Quant à l’ASBL GrlS, cette association est, à l’instar de plusieurs autres, lauréate de l’appel à projets «Démocratie scolaire et activités citoyennes», en particulier pour le volet portant sur la lutte contre les stéréotypes discriminants. L’objectif de la démarche est de démystifier, lors d’animations menées dans certains établissements scolaires, la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre à travers la représentation de modèles positifs d’homosexualité et de transidentité. Les questionnaires auxquels vous faites référence s’inscrivent dans le cadre d’une recherche renseignée dans une convention pluriannuelle conclue avec les ministres de l’Égalité des chances et de la Jeunesse. Je vous invite donc à leur adresser vos questions sur ce sujet.
Réplique de N. Janssen. – Je vous remercie, Madame la Ministre, pour ces informations et ces clarifications. Je vous remercie aussi pour les renseignements concernant la collaboration qui a mené à la réalisation de ce travail. Je suis rassuré d’entendre qu’il est prévu de reformuler certains passages du guide. Pour éviter tout malentendu, je précise que nous sommes également convaincus des bienfaits de la généralisation de l’EVRAS. Vu le nombre de réactions, il semble que les divers experts et psychologues, et non des moindres, n’ont pas été suffisamment consultés. En tout cas, ils considèrent que leur point de vue n’a pas été assez pris en compte. J’ose espérer que le processus de reformulation que vous avez mentionné répondra au message qu’ils ont voulu faire passer. Ce sujet est hautement sensible. En tant que responsables politiques, nous devons nous assurer que les contenus et les acteurs qui les diffusent dans les écoles sont en adéquation avec le développement de l’enfant. C’est d’autant plus important que les informations diffusées dans et par les écoles, même si elles ne sont pas données directement aux élèves, sont perçues comme officielles par le corps enseignant, par les parents et, potentiellement, par les élèves. Dès lors, elles sont de facto cautionnées. Plusieurs cartes blanches sont parues sur le sujet. J’insiste sur le principe qui consiste à ne pas encombrer le psychisme de l’enfant avec les référentiels sexuels adultes. Il importe que le ressenti individuel ne fasse pas autorité. Le professeur Eraly se demande si le fait de brandir, envers et contre tout, le spectre d’une conviction intime réprimée ne revient pas à instrumentaliser le jeune.
Réplique de Mme Désir, ministre de l’Éducation. – Je tiens à réagir, parce que je ne suis pas d’accord sur un point : comme je l’ai dit dans ma réponse, les animations ne devanceront jamais les questions des enfants. Le guide précise bien qu’il s’adresse avant tout aux professionnels. Toutefois, il ne faut pas nier les questions que se posent les enfants. C’est sur ce point que les deux approches divergent, me semble-t-il. Si des enfants âgés de 5 à 9 ans se posent des questions spécifiques, j’estime qu’il faut préparer les professionnels à y répondre. Sur le sujet de l’identité, il arrive que des petits garçons âgés de 4 ou 5 ans se demandent s’ils ont le droit de porter des pinces à cheveux. Les enfants posent des questions de ce genre dans nos écoles. Certains ont d’ailleurs des parents, des frères ou sœurs transgenres. Ces interrogations ont été soulevées lors des échanges qui ont lieu avec 400 enfants en vue de la préparation du guide. Si de telles questions se posent à l’école, devons-nous y répondre ou pas? Nous avons pris le parti de préparer les professionnels à aborder ces sujets. Cependant, jamais ils ne susciteront ou ne devanceront les questions de ce type avec les enfants.
Réplique de N. Janssen. – Effectivement, les professionnels ne susciteront pas ces questions. Toutefois, il convient de prêter attention à la dimension du ressenti. Or, ce point n’est pas assez mis en avant. Plusieurs cartes blanches posent d’ailleurs la question: le ressenti individuel doit-il faire autorité? Pour ma part, il ne faut pas reconnaître d’emblée la capacité à s’autodéterminer. Bien entendu, le dialogue et les échanges sont fondamentaux. Toutefois, j’ai parfois l’impression que, sous prétexte d’inclusivité, on renonce par moments à la transmission d’une quelconque norme. C’est préoccupant et cela engendre des difficultés. Voilà pourquoi il me semble important de le préciser.