QO 14/07/25 à la Ministre Glatigny : Recommandation du Comité des droits des personnes handicapées pour un enseignement plus inclusif
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Question (Nicolas Janssen). – En mars 2024, la Belgique a fait l’objet d’un examen par le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies. Cet examen portait sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées par la Belgique. Parmi les actions demandées par le Comité des droits des personnes handicapées à nos autorités figure notamment celle d’« élaborer un plan de transition de l’enseignement spécialisé vers un enseignement plus inclusif avec le soutien nécessaire, une formation du personnel et des méthodes pédagogiques adaptées. »
Madame la Ministre, quel suivi concret assurez-vous à la recommandation visant, comme déjà formulé il y a dix ans, un plan de transition clair pour passer d’un système dual – enseignement ordinaire versus enseignement spécialisé – vers un modèle inclusif ? Cela comprend la réallocation des ressources du secteur spécialisé vers le secteur ordinaire, la formation des enseignants et la consultation des personnes concernées. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre des pôles territoriaux, prévoyez-vous de consulter les familles et de leur demander leur avis sur cette réforme importante ?
Mme Valérie Glatigny, première vice-présidente et ministre de l’Éducation et de l’Enseignement de promotion sociale. – En mars 2024, la Belgique a en effet été auditionnée par le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies. Cet examen a permis de faire le point sur la mise en œuvre de la Convention des Nations unies du 12 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées, que notre pays a ratifiée en 2009. Une des recommandations adoptées à cette occasion invite les autorités à élaborer un plan de transition de l’enseignement spécialisé vers un enseignement plus inclusif, avec les soutiens nécessaires, avec une formation adaptée du personnel et avec des méthodes pédagogiques inclusives.
Cette transition est déjà amorcée en Fédération Wallonie-Bruxelles. Le développement progressif des pôles territoriaux en constitue une étape structurante : il s’agit de sortir d’une logique fondée seulement sur des demandes individuelles d’intégration pour aller vers un accompagnement collectif plus structuré et mieux réparti sur le territoire.
Au-delà de ce premier jalon, le passage à un système plus inclusif appelle une réflexion systémique touchant à l’organisation des réseaux d’enseignement, à la formation initiale et continue des enseignants, aux pratiques pédagogiques, et à la gouvernance du système. Cette réflexion est déjà engagée et se poursuivra dès la rentrée.
L’évaluation, en cours, du dispositif des pôles territoriaux vise à analyser en profondeur l’efficience du système instauré depuis 2021. Elle repose sur une méthodologie plurielle – système de surveillance, enquête de terrain et analyse législative – et permettra ainsi d’objectiver les forces et les limites du dispositif ainsi que les leviers pour l’améliorer. Elle nourrira un avant-projet de décret complémentaire qui sera élaboré dès la rentrée.
Cette révision législative s’inscrira également dans le prolongement de l’arrêt n° 85/2023 du 14 décembre 2023 de la Cour constitutionnelle, qui impose de revoir les modalités actuelles de financement jugées discriminatoires, en particulier pour les élèves à déficience sensorimotrice, tout en veillant à garantir une équité de traitement pour les élèves présentant un handicap intellectuel. En parallèle et en cohérence avec la Déclaration de politique communautaire (DPC), ce travail poursuivra un objectif clair : renforcer l’efficience, la lisibilité et l’équité du dispositif des pôles territoriaux, au service d’un accompagnement mieux structuré et plus accessible à l’ensemble des élèves à besoins spécifiques.
Pour rappel, cette évaluation associe plusieurs volets : les rapports d’évaluation des années 2022-2023 et 2023-2024, une enquête en ligne menée cette année auprès des écoles ordinaires et spécialisées, une mission d’enquête de terrain conduite par le Service général de l’inspection (SGI) ainsi qu’une analyse du cadre décrétal. Cette évaluation a été validée le 26 mars dernier par le Comité de concertation du Pacte d’excellence.
À propos de la place accordée aux familles dans ce processus, j’estime votre question légitime, Monsieur le Député. Je partage l’importance de garantir la participation des parents à une réforme qui touche de près le parcours de leurs enfants. Même si cette méthodologie ne prévoit pas à ce stade une consultation directe des familles, leur point de vue est intégré par d’autres canaux. Le cadre légal prévoit en effet la consultation du Conseil général de l’enseignement spécialisé où siègent des représentants des associations de parents. Cette participation structurelle garantit une prise en compte des réalités vécues par les familles, tout en assurant la cohérence et la rigueur du processus d’évaluation.
Par ailleurs, les recours introduits par les parents dans le cadre des conciliations représentent aussi une source précieuse d’information sur les difficultés rencontrées sur le terrain, notamment en matière d’inclusion, et nourrissent utilement la réflexion. À ce titre, le futur avant-projet de décret sera obligatoirement soumis au Conseil consultatif des personnes en situation de handicap, ce qui permettra une consultation formalisée des personnes concernées par le biais de leurs représentants associatifs. Ce travail s’inscrit pleinement dans les recommandations du Comité des droits des personnes handicapées.
Enfin, je souligne que la réforme s’inscrit dans notre volonté de répondre aux recommandations du Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies, en construisant un modèle d’écoles inclusives fondées sur une redistribution stratégique des moyens, une formation renforcée des équipes éducatives et des pratiques pédagogiques adaptées à la diversité des élèves, mais aussi un élargissement du cadre de concertation. Ce travail se déploie notamment à travers les échanges menés au sein du Conseil consultatif des personnes en situation de handicap auxquels participe mon cabinet en lien étroit avec le cabinet du ministre Coppieters.
Mon ambition est claire : il s’agit de faire évoluer notre système éducatif pour l’adapter aux besoins des élèves en lui accordant les soutiens nécessaires. Cette ambition ne se décrète pas : elle se construit pas à pas dans le dialogue, la rigueur et le respect de nos engagements internationaux, avec des acteurs de première ligne.
Réplique de N. Janssen. – Je vous remercie, Madame la Ministre, pour l’ensemble de ces éléments de réponse, comme toujours très complets. J’ai une réaction, simplement, sur la place des familles dans la réforme. J’ai bien entendu qu’il n’y avait pas de consultation prévue, mais qu’elle était toutefois réalisée de manière indirecte. J’imagine que certaines familles peuvent souffrir du fait qu’elles ne se sentent pas directement consultées. Ne serait-il pas, dès lors, nécessaire d’envisager cette consultation directe ?