QO 15/05/23 au Ministre Henry : Les matériaux biosourcés soutenant l’isolation thermique
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, l’économie biosourcée connaît un bel essor en Wallonie, en particulier dans le secteur de la construction. Il existe encore toutefois de nombreux freins au développement des matériaux biosourcés, notamment quant à l’utilisation du chanvre en tant qu’alternative aux matériaux d’isolation traditionnels alors qu’il présente de nombreux avantages en tant qu’alternative écologique – il pousse rapidement, il ne nécessite pas de pesticide, il peut-être cultivé localement et les exemples pourraient être nombreux. Bien que certaines initiatives existent en la matière, elles demeurent frileuses. Je citerai le programme 029 du Plan de relance ou encore le label « produit biosourcé ». Sachant que le Plan de relance de la Wallonie mentionne la volonté de mettre en place un mécanisme de soutien aux matériaux biosourcés, comment pourrions-nous mieux les soutenir ? Nous pourrions-nous, par exemple, mettre en place un quota obligatoire d’une certaine proportion de matériaux biosourcés dans la rénovation des bâtiments publics afin de stimuler le développement de l’écoconstruction par l’exemplarité de notre administration publique ? Pourriez-vous nous dire où en est ce programme 029 ? Inclut-il le chanvre ? De surcroît, concernant la certification, le matériau pétrosourcé demeure favorisé face au matériau biosourcé. En effet, le PEB et les performances énergétiques du bâtiment ne prennent en compte qu’une seule donnée : la valeur isolante du matériau. Or, on sait que si l’on considère la performance thermique d’un bâtiment et le confort thermique dans son ensemble, on doit pouvoir considérer l’inertie et le déphasage, mais également le confort lors de période de fortes chaleurs. Ainsi, si le bâtiment est isolé de manière trop légère, on assiste à une surchauffe en été, ce qui implique souvent d’avoir un gros climatiseur, ce qui réduit à néant toute une série d’efforts d’isolation mis en place.
M. Philippe Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – Monsieur le Député, je suis content de votre intérêt pour la filière des matériaux biosourcés, parce qu’il s’agit d’un sujet qui me tient également particulièrement à cœur. Le recours aux matériaux biosourcés permet, en effet, de diminuer l’impact du secteur de la construction et de la rénovation, et de développer un modèle économique généralement en circuits courts qui renforce l’économie locale et l’emploi. Le tissu wallon économique dans cette filière est d’ailleurs extrêmement riche. J’ai récemment fait la visite d’une jeune entreprise – pas très loin d’ici – qui produit des matériaux d’isolation à base d’herbe de fauches que vous connaissez peut-être. J’ai été très impressionné par son dynamisme, les techniques employées et la performance de ses produits : cette technique permet de capturer du CO2. Elle a connu une progression fulgurante ces trois dernières années, mais 50 % de sa production part à l’exportation. Il y a donc une marge de manœuvre pour renforcer l’utilisation de ces produits localement. Favoriser l’utilisation de matériaux biosourcés dans les travaux de rénovation énergétique est donc une des priorités fixées par le Gouvernement. Plusieurs projets et dispositifs ont été mis en place ou le seront à court terme. Ceux-ci sont notamment discutés dans le cadre de l’ACER, l’alliance Climat-Emploi-Rénovation. Tout d’abord, j’ai lancé un projet spécifique n° 70 dans le cadre du Plan de relance qui vise à renforcer le soutien aux matériaux biosourcés locaux. Nous travaillons, à cet égard, avec le cluster Éco-construction et l’administration. Plusieurs actions sont menées dans ce cadre, comme la sensibilisation des particuliers aux écomatériaux d’isolation, des formations pour les entreprises aux techniques de l’écoconstruction, et cetera. Une étude sur le potentiel de renforcement des filières d’écomatériaux est également en cours dans le cadre de ce projet, afin de déterminer d’autres pistes d’actions concrètes. À ce stade, aucun appel à projets n’a été lancé. L’étude permettra de déterminer si cela est opportun et, le cas échéant, quelles en seraient les modalités. En parallèle, je vais également renforcer le soutien à la filière dans le cadre de la réforme des primes à la rénovation. Les aides sont à présent 25 % plus élevées lorsque le citoyen utilise des matériaux biosourcés. Nous sommes actuellement en train de réévaluer cet avantage à la hausse pour les nouveaux montants des primes à la rénovation. Concernant les bâtiments publics, j’ai décidé aussi d’encourager le recours à des matériaux biosourcés. Dans le cadre de la réforme du dispositif UREBA, les primes sont ainsi entre 5 à 10 % plus élevées lorsque ces matériaux sont utilisés. À ce stade, il n’y a pas encore d’imposition comme vous le suggérez, mais il est évident que la mesure actuelle sera évaluée pour connaître son impact. Nous analyserons l’opportunité d’aller plus loin à l’avenir. Dans le cadre du projet 29 que vous citez, plusieurs mesures sont également prises pour soutenir la filière. Ce projet vise à investir dans les infrastructures et les équipements de formation, et donc sur le volet « offre » des entrepreneurs, afin que ceux-ci puissent répondre à une demande accrue. Il est porté par mes collègues, les ministres Borsus et Morreale. Les infrastructures exemplaires seront notamment construites et des formations spécifiques à l’utilisation de matériaux biosourcés seront mises en place, notamment à destination des demandeurs d’emploi apprenants et travailleurs. Concernant la problématique de la certification PEB, vous avez raison, elle doit être améliorée. Comme prévu dans le plan Air-Climat-Énergie, le concept de bâtiment « bas carbone » va être renforcé par l’intégration des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie des matériaux dans la PEB, à travers l’outil TOTEM. Cette intégration sera sur base volontaire à partir de 2025, obligatoire dès 2027 pour des bâtiments de plus de 2 000 mètres carrés. Elle sera obligatoire pour tous les nouveaux bâtiments et rénovations en 2030. Vous l’aurez compris, Monsieur le Député, de nombreux soutiens à la filière du biosourcé en Wallonie existent déjà et nous travaillons à leur renforcement, parce qu’il y a encore un gros potentiel de déploiement.
Réplique de N. Janssen. – Merci, Monsieur le Ministre, d’avoir précisé l’ensemble des mesures de soutien envisagées. Je m’en réjouis et je pense que l’on est tous convaincus que ces matériaux biosourcés permettent de faire d’une pierre plusieurs coups : la transition, la promotion de l’économie wallonne et la création d’emplois locaux.