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Question (Nicolas Janssen). – Madame la Ministre, l’agrivoltaïsme est un domaine d’activité qui a fait l’objet de débats sous l’ancienne législature. De ces échanges, une direction peu favorable fut développée par le Gouvernement précédent. La volonté était – et c’est assez légitime – de pousser les développeurs de projets à utiliser le contexte bâti, plutôt qu’à mobiliser de nouvelles ressources terrestres, surtout des surfaces agricoles, souvent sacrifiées dans le cadre d’extension du bâti. Je ne souhaite pas revenir sur les antécédents ni sur les dispositions actuelles. Toutefois, un élément nouveau a attiré mon attention cet été : le récent mémorandum intitulé « Vers un cadre pour le développement de l’agrivoltaïsme en Wallonie ». Ce document, que je trouve particulièrement équilibré, a été soutenu par la Fédération wallonne de l’agriculture, ce qui est d’autant plus remarquable étant donné leur opposition passée à ce type de développement. En matière de politique publique, il est rare de voir un tel consensus se former autour d’un sujet potentiellement disruptif. Il semble donc pertinent de vous entendre sur la suite à donner à cette dynamique. Madame la Ministre, avez-vous pris connaissance de ce mémorandum ? Si oui, allez-vous entreprendre des actions allant dans le sens d’un soutien à l’agrivoltaïsme, notamment en ouvrant les discussions sur ce sujet avec les acteurs de la filière concernée ? Quelles sont les balises à mettre en place afin de protéger notre terre agricole ? Allez-vous porter ce sujet au Gouvernement ?
Mme Anne-Catherine Dalcq, Ministre de l’Agriculture et de la Ruralité. – (…) Monsieur le Député Janssen, j’ai pris connaissance du livre blanc que vous mentionnez. Ce document recherche un équilibre entre les enjeux de la transition énergétique et la nécessité de conserver une agriculture productive en vue de rencontrer la fonction principale de l’agriculture au sens du code, à savoir la fonction nourricière. Quant à savoir si cet équilibre a été atteint, les avis sont plutôt divergents au sein du secteur agricole, mais aussi parmi les opérateurs énergétiques et les associations de protection de la nature. Le consensus que vous évoquez ne me semble pas atteint, même si les travaux ayant mené à ce livre blanc sont évidemment à saluer. Une partie du livre blanc a particulièrement retenu mon attention. Il s’agit de celle intitulée Distinguer les projets les plus vertueux. Il y est question d’assurer une production satisfaisante qui assure la rentabilité du projet photovoltaïque, mais surtout que la productivité agricole soit peu affectée, ce qui est central pour la mise en œuvre de ce type de projet. L’agriculture ne peut être le parent pauvre du développement des énergies renouvelables. Le livre blanc fait également état de facteurs qui influencent la productivité agricole des projets agrivoltaïques : le climat, le type de culture, les technologies utilisées, et cetera. Au regard de ceci, la position extrêmement prudente adoptée par le précédent ministre de l’Aménagement du territoire au travers de sa circulaire relative au développement de la filière photovoltaïque me paraît toujours pertinente. Les terres agricoles doivent servir à la production alimentaire et, dans ce contexte, nous devons appréhender cette problématique de l’agrivoltaïsme avec une prudence de Sioux. En conformité avec la circulaire publiée par l’ancien ministre de l’Aménagement du territoire au sujet de l’agrivoltaïsme, la Direction du développement rural est notamment chargée d’éclairer le raisonnement de l’autorité quant à la non-mise en péril de la zone agricole et analyser le caractère compatible des projets pilotes avec le modèle agricole wallon. La réflexion sur la mise en place de quatre projets pilotes avait été lancée par le Gouvernement précédent sans aboutir. Si le Gouvernement, au travers de mon collègue de l’Aménagement du territoire, qui a la compétence sur cette matière, envisage d’explorer cette piste, les critères pour être qualifié de « projet pilote » doivent être définis afin d’éviter un développement de nombreux projets pilotes qui n’auraient comme seul réel objectif que de permettre la pose de panneaux en zone agricole. En tant que ministre de l’Agriculture, je veillerai particulièrement à éviter toute situation pouvant accroître davantage la pression foncière sur les terres agricoles.
Réplique de N. Janssen. – Merci beaucoup, Madame la Ministre, pour ces éléments de réponse. Je comprends la prudence que vous mentionnez qui est bien nécessaire et la volonté de ne pas accroître la pression foncière qui est un impératif. J’entends par ailleurs que vous considérez que cet équilibre que vous avez évoqué entre les enjeux de la transition énergétique et de la fonction nourricière que l’on pensait atteint dans ce livre blanc… Enfin, vous avez décrit qu’il n’était, par certains acteurs, pas atteint. Merci pour l’ensemble de ces réflexions. Je pense que c’est un sujet que nous allons continuer à creuser dans les mois et années à venir.