QO 17/09/24 au Ministre Coppieters : les risques en matière de santé publique liés à la proximité des éoliennes à Ittre
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, un important projet éolien à Ittre suscite de vives inquiétudes, non seulement en raison de ses impacts environnementaux, mais également en raison des risques potentiels pour la santé des riverains, notamment en lien avec l’exposition aux infrasons. En 2021, une lettre ouverte signée par plus de 30 médecins alertait sur les effets néfastes de ces infrasons, évoquant des troubles du sommeil, des pathologies cardiovasculaires et pulmonaires ainsi que d’autres complications. Ces professionnels de la santé appelaient à l’application du principe de précaution. Le projet a également rencontré une forte opposition citoyenne, comme en témoignent les résultats de la seconde enquête publique menée en février-mars 2023 où 91 % des 345 citoyens s’étaient exprimés contre le projet. Cette opposition a d’ailleurs été appuyée par des avis défavorables émis par le Département de la nature et des forêts, le GISER ainsi que le Département du développement rural. Malgré ces avis négatifs et l’opposition citoyenne, le promoteur a déposé un recours devant votre collègue chargé de l’Aménagement du territoire et devant vous-même. Ce qui maintient l’incertitude sur l’avenir de ce projet. Dès lors, pourriez-vous clarifier votre position sur ce dossier, notamment en ce qui concerne les préoccupations liées à l’environnement et à la santé publique, soulevées par cette lettre ouverte des médecins que j’évoquais ? Comment envisagez-vous de concilier le développement des énergies renouvelables tellement prioritaires, avec, par ailleurs, la protection de la santé des citoyens dans ce contexte ?
Yves Coppieters, Ministre de la Santé, de l’Environnement, des Solidarités et de l’Économie sociale. – Monsieur le Député, je souhaite d’abord attirer votre attention sur le fait que le projet concerné a fait l’objet d’une demande de permis unique – ce n’est pas de ma compétence – qui relève de la compétence du ministre Desquesnes. Il prendra la décision finale sur le recours. Pour rappel, les parcs éoliens autorisés doivent respecter l’AGW du 25 février 2021 portant conditions sectorielles relatives à certains parcs d’éoliennes d’une puissance totale supérieure ou égale à 0,5 mégawatt. Cet AGW fixe notamment des conditions d’exploitation visant à limiter les émissions sonores des éoliennes dans l’environnement et prévoit un renforcement de la surveillance de l’exposition au bruit en mettant en place des obligations de contrôle. Néanmoins, d’une manière générale, l’administration fonde son analyse de la problématique des infrasons imputables aux éoliennes dans le cadre des demandes de permis sur les éléments qui suivent. En fait, il existe plusieurs études dans le monde relatif aux infrasons éoliens, entre autres en France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – l’ANSES – a publié en 2017 une étude relative aux effets des basses fréquences et infrasons dus aux parcs éoliens. Je ne vais pas en vous lire toutes les conclusions, mais l’ANSES a procédé à des mesures sur trois parcs éoliens et a réalisé une recherche biographique détaillée et, in fine, une évaluation des risques sanitaires. Ses conclusions sont les suivantes ; je ne vais en lire que deux petits paragraphes : « Afin de compléter les données issues de la littérature scientifique sur l’exposition aux infrasons et basses fréquences sonores émis par les parcs éoliens, l’ANSES a fait réaliser des campagnes de mesure à proximité de trois parcs éoliens ». C’est donc leur méthodologie. Ils disent qu’« aucun dépassement de seuil d’audibilité dans les domaines des infrasons et basses fréquences jusqu’à 50 Hertz n’a été constaté. » Par ailleurs, ils disent que les effets potentiels sur la santé des infrasons et des basses fréquences produits par les éoliennes n’ont fait l’objet que de peu d’études scientifiques. « Cependant, l’ensemble des données expérimentales et épidémiologiques aujourd’hui disponibles ne met pas en évidence d’effets sanitaires liés à l’exposition au bruit des éoliennes autres que la gêne liée au bruit audible. » L’ANSES conclut que « les connaissances actuelles en matière d’effets potentiels sur la santé liés à l’exposition aux infrasons et basses fréquences sonores ne justifient ni de modifier les valeurs limites d’exposition au bruit existantes, ni à introduire des limites spécifiques aux infrasons et basses fréquences sonores. » Certaines études ont effectivement été menées pour définir l’impact des basses fréquences sur la santé. Il existe en effet des symptômes de vibroacoustique dus à l’effet vibratoire induit par les basses fréquences dans certaines cavités creuses de notre corps humain. Cependant, d’une part, ces études mettent en évidence de façon non systématique ces symptômes et, d’autre part, les expériences menées concernent des fréquences très basses avec une très forte intensité, plus de 100 décibels durant une exposition prolongée de dix ans et plus. Dans les cas des éoliennes, les émissions dans le spectre des basses fréquences sont largement inférieures à ces décibels, ce qui implique des niveaux à l’émission – au niveau de l’habitation donc – inférieurs à 45 décibels, que tout risque sanitaire lié aux basses fréquences générées par les éoliennes à des distances supérieures à 350 mètres semble pouvoir être écarté. Par ailleurs, et vous le savez, le vent lui-même est une source d’infrasons. Une étude allemande a montré que les infrasons et les basses fréquences mesurées dans les alentours d’éoliennes en fonctionnement sont constitués d’une fraction qui est produite par l’éolienne, d’une fraction qui est engendrée par le vent lui-même dans l’environnement et d’une fraction qui est induite par le vent sur le microphone. En réalité, les infrasons produits par les éoliennes, toujours présentés comme étant inacceptables pour la santé par ses opposants, sont en réalité bien moins importants que les infrasons que nous subissons au quotidien, générés par le trafic routier et le trafic ferroviaire, aérien, et cetera, donc dans l’ensemble, je dirais, des zones urbaines et des zones rurales. À ce stade, et je le souligne à nouveau, sans me prononcer sur ce dossier particulier pour lequel mon collègue doit statuer en tenant compte de très nombreux éléments, les différents éléments cités me paraissent de nature à pouvoir rassurer les riverains des projets éoliens quant aux risques liés à l’émission d’infrasons par ces éoliennes.
Réplique de N. Janssen. – Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour ces éléments d’information ainsi que pour avoir précisé qu’il s’agissait bien d’un permis unique et que ce serait dès lors de la compétence du ministre Desquesnes de statuer sur ce dossier en particulier. Plus généralement, merci pour les informations que vous avez reprises relatives aux effets sanitaires potentiels et aux résultats de ces diverses études relatives aux infrasons. Enfin, merci encore d’avoir d’une certaine manière pu rassurer les riverains concernés par ce projet.