QO 17/10/23 à la Ministre Désir : Évaluation, pédagogie différenciée et apprentissage coopératif dans les établissements scolaires
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Question (Nicolas Janssen). – L’avis n° 3 du Groupe central du Pacte pour un enseignement d’excellence met en exergue l’importance de démarches didactiques adaptées afin de respecter les apprentissages respectifs des élèves, notamment à travers la pédagogie différenciée et l’apprentissage coopératif. Cette notion de coopération et de cohésion fait également partie de la centaine de recommandations relatives à la santé mentale des jeunes, approuvées à l’unanimité ici même. En effet, les interventions spécifiques au milieu scolaire visent à éviter que l’école soit un facteur de stress supplémentaire, notamment en minimisant la pression durant les contrôles et les examens et en menant des recherches sur l’évaluation du groupe classe et sur l’évaluation continue. Par ailleurs, la Déclaration de politique communautaire (DPC) indique que le gouvernement entend « encourager la mise en place d’évaluations formatives régulières tout au long de l’année et du parcours des élèves ». En outre, les référentiels du tronc commun indiquent que l’élève doit être amené à devenir un citoyen actif, émancipé, critique, créatif et solidaire des générations actuelles et futures. Madame la Ministre, vous avez déclaré il y a quelques mois que l’évaluation des élèves au sens large a toujours fait débat dans le monde de l’enseignement. Dès lors, pouvez-vous faire le point sur l’évolution des méthodes d’évaluation des élèves dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte pour un enseignement d’excellence ? Quelles sont les actions concrètes entreprises pour concrétiser les engagements inscrits dans la DPC et dans le Pacte ? Par quels canaux passe le changement des pratiques professionnelles dans ce domaine ? Qu’en est-il de la promotion de l’apprentissage coopératif et des évaluations formatives ? Avez-vous trouvé un équilibre entre le renforcement des évaluations formatives et le maintien d’évaluations sommatives, notamment dans le cadre de la réforme des rythmes annuels ? Des recherches sur l’évaluation du groupe classe ont-elles été menées ? En effet, une proposition en ce sens a été formulée à plusieurs reprises lors des auditions sur la santé mentale, le but étant notamment de renforcer le sentiment d’appartenance des élèves et de susciter l’adhésion et la cohésion des élèves. Dans certains cas, il s’agit aussi de renforcer la responsabilité individuelle vis-à-vis de l’ensemble de la classe ; dans d’autres situations, il s’agit de réduire le stress éprouvé par les élèves en amont des évaluations ou encore de favoriser le sentiment de pouvoir travailler avec d’autres élèves particulièrement susceptibles d’aider l’ensemble du groupe classe lors de ces évaluations. Les évaluations intermédiaires des plans de pilotage abordent-elles ces perspectives ? Avez-vous consulté les acteurs de l’enseignement à ce sujet ?
Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation. – La mise en œuvre du tronc commun et des nouveaux référentiels conduit à réinterroger les pratiques d’évaluation. Celles-ci sont centrales pour résorber les grandes différences de résultats entre écoles et entre élèves qui subsistent dans notre système éducatif, avec un taux de redoublement important et des inégalités scolaires trop souvent liées aux inégalités sociales. Pour ce faire, le tronc commun instaure une approche évolutive des difficultés d’apprentissage soutenue par l’accompagnement personnalisé et le dossier d’accompagnement de l’élève (DAccE). Les principes généraux qui sous-tendent cette approche sont l’anticipation et l’adaptation. À cet égard, un changement fondamental de posture en matière d’évaluation de la part de l’ensemble des acteurs s’avère indispensable. Les effets délétères d’évaluations sommatives qui sanctionnent et classent les élèves sont connus et incontestés: découragement, détérioration de la performance, baisse de l’estime de soi et de la motivation… Cette forme d’évaluation reste pourtant très présente dans notre système éducatif. Toutefois, je tiens à nuancer mon propos: il ne s’agit pas ici de susciter ou d’encourager la disparition des évaluations sommatives, mais bien de favoriser un meilleur équilibre entre évaluations formatives et sommatives tout en visant la progression des élèves. Afin d’accompagner les équipes pédagogiques dans ce changement, différentes actions sont en cours de réalisation, à commencer par la rédaction d’un guide de l’évaluation non contraignant. Une première version de ce guide a déjà été présentée à la Commission des évaluations. Dans le cadre du processus participatif du Pacte pour un enseignement d’excellence, différentes ressources ont également été produites en collaboration étroite avec des chercheurs et des enseignants. Celles-ci proposent des pistes concrètes pour déployer des pratiques d’évaluation formative ou diagnostique ou encore pour favoriser l’autoévaluation, l’évaluation par les pairs ou la co-évaluation. La formation professionnelle continue constitue un autre levier important. Elle offre notamment des formations liées aux enjeux, à la pertinence, à la philosophie et au cadre juridique et conceptuel d’une évaluation qui soit à la fois au service de l’apprentissage et pertinente vis-à-vis des référentiels et des programmes. En outre, si la réforme des rythmes scolaires constitue une occasion de repenser les pratiques d’évaluation, les pouvoirs organisateurs et leurs établissements disposent tout de même d’une liberté organisationnelle interne que la réforme ne remet pas en cause. Dans le cadre des expériences pilotes de différenciation et d’accompagnement personnalisé menées entre 2019 et 2021, des dispositifs pédagogiques mettant en œuvre les apprentissages coopératifs ont été testés et analysés. Parmi ceux-ci figurent notamment des ateliers d’enseignement explicite et réciproque ou encore du tutorat entre pairs. Afin de promouvoir et d’alimenter la mise en œuvre de ces dispositifs, des ressources ont été conçues en collaboration avec les équipes de recherche et ont été publiées sur e-classe. Enfin, les évaluations intermédiaires des plans de pilotage des écoles de la première vague sont toujours en cours. Elles permettront, dans les prochains mois, de tirer un bilan quant à la manière dont les écoles ont agi sur leur stratégie transversale de tronc commun, ce qui inclut les pratiques d’évaluation.
Réplique de N. Janssen. – Il convient effectivement de trouver un équilibre entre les différentes approches et de ne pas basculer d’un côté ou de l’autre. Je me pencherai attentivement sur le guide de l’évaluation que vous avez évoqué dès que nous pourrons en disposer. Je serai également attentif aux réflexions en cours, notamment en ce qui concerne les formations professionnelles continues et le dispositif d’apprentissage coopératif.