QO 18/04/23 au Ministre Borsus : L’appel à projets destiné au déploiement de l’écosystème des batteries en Wallonie
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, dans le cadre du Plan de relance, le Gouvernement wallon a décidé de soutenir l’émergence d’une filière industrielle dans le secteur des batteries. Wallonie Entreprendre, qui s’est vue confier une enveloppe de 25,5 millions d’euros pour le financement de ce projet, a décidé d’investir un montant au moins équivalent en fonds propres qui pourra être revu. Cet appel à projets, destiné à déployer l’écosystème de batteries, apporte un signal fort, non seulement aux secteurs concernés, mais aussi quant à la position du Gouvernement relative à la transition énergétique. Le budget alloué par le Gouvernement wallon s’inscrit-il dans la stratégie de spécialisation intelligente S3 qui permet à chaque région européenne d’identifier et de développer ses propres avantages sur base de ses forces et de son potentiel et qui est une condition d’accès aux fonds structurels européens ? Quels sont les impacts prévisionnels chiffrés du développement de ce nouvel axe industriel sur la réindustrialisation, la croissance économique et la création d’emplois ? Confirmez-vous que ce soutien à l’investissement intervient, comme cela a été dit dans les médias, dans le cadre de la décision européenne d’assouplir le régime des aides d’État dans le secteur des technologies vertes en guise de riposte, si l’on peut dire, à l’IRA, l’Inflation Reduction Act, dont on a beaucoup parlé. Par ailleurs, quelles sont les concertations prévues avec les autres niveaux de pouvoir ? D’éventuelles synergies sur cette thématique sont-elles envisagées ? Enfin, afin de répondre à la demande accrue qui va résulter du développement de ce nouvel axe industriel, l’offre de formation dans les domaines concernés sera-t-elle adaptée en conséquence, notamment par exemple via l’IFAPME ?
Réponse de M. Borsus, Ministre de l’Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences. – Messieurs les Députés, dans le cadre du Plan de relance de la Wallonie, le Gouvernement wallon a confié à Wallonie Entreprendre une enveloppe de 25,5 millions d’euros dédiée au financement, capital et prêts, ou à la structuration du financement de projets en lien avec l’objectif que vous avez cité. Wallonie Entreprendre a décidé d’investir un montant au moins équivalent, le montant pouvant être plus important. Par conséquent, une première base de 50 millions d’euros est aujourd’hui disponible et, comme je l’indiquais, pourra être revue par Wallonie Entreprendre en fonction de la nature et de la qualité des projets sélectionnés, ainsi que de la création de valeurs qu’ils génèrent en Wallonie. De plus, le financement des projets suit la règle d’un apport de maximum 1 euro public pour 1 euro privé, ce principe de pari passu bien connu. Le budget alloué aura donc pour objectif d’engendrer un effet de levier pour attirer les investisseurs privés ou d’autres investisseurs publics, partenaires eux aussi potentiels d’investisseurs privés. Enfin, selon une étude de GlobalData réalisée fin 2021, il est estimé que chaque gigawattheure de capacité coûterait de l’ordre de 30 millions à 50 millions de dollars. Cela signifie que les besoins financiers pour mettre en place des usines de très grande capacité sont effectivement conséquents. À titre d’exemple, les grands projets annoncés dans le nord de la France et en Allemagne, par exemple, sont des projets pour des usines de 40 gigawattheures, pour un budget qui approche les 2 milliards d’euros. Néanmoins, ceux-ci se développeront sur plusieurs années et, par ailleurs, en plusieurs phases. Notons également le projet d’usine de Douvrin qui vise à terme une capacité de 24 à 32 gigawattheures d’ici 2030 pour plus de 2 milliards d’euros d’investissement qui, cependant, va débuter par un premier bloc de huit gigawattheures pour un montant estimé d’investissement de 500 millions à 600 millions d’euros, soutenu pour partie seulement par du financement public. Il est donc cohérent de conclure que ce budget de minimum 50 millions d’euros, compte tenu de son effet levier sur l’investissement privé et par ailleurs sur les cofinancements, notamment au départ de consortiums bancaires, par exemple, permettra d’attirer des projets d’usines de taille qui peuvent être déjà conséquents et qui peuvent être la base pour des projets ultérieurs de moyenne ou de plus grande envergure. Cet appel à manifestation d’intérêt est une réponse au projet 150 qui permet une politique industrielle centrée sur l’échelle de valeurs stratégiques ou 151 opérer l’implantation de projets de relocalisation industrielle ou manufacturière que l’on retrouve dans notre Plan de relance. Singulièrement dans le chapitre du programme d’actions prioritaires, les fameux PAP, soutenus par les partenaires sociaux, qu’ils soient syndicaux, patronaux ou bien encore environnementaux. Le budget alloué pour cet appel à projets par le Gouvernement wallon trouve sa source dans le Plan de relance. Notons également – nous l’avons cité plusieurs fois ce matin – que ceci s’inscrit pleinement dans cette Stratégie de spécialisation intelligente, la S3, et plus particulièrement, vous l’aviez noté, dans le domaine DIS1 de matériaux circulaires, dont l’objectif annoncé est d’être reconnu en 2030 comme la recycling valley au cœur de l’Europe, tant du point de vue de l’innovation que du point de vue du déploiement d’une véritable économie circulaire de matériaux technologiques. Les batteries représentent un enjeu majeur en termes de transition énergétique. L’utilisation de matériaux est par ailleurs un élément particulièrement important du développement de la filière, qui passera également par un taux de plus en plus important de matériaux réutilisés, recyclés, ou de composants qui eux-mêmes seront réutilisés. En ce qui concerne les conditions pour pouvoir répondre à cet appel, tout d’abord l’implantation devra évidemment se faire en Wallonie, et suivre les différents process de permis et autres règles liées à l’implantation. D’autre part, dans les dossiers qui sont à déposer par les porteurs de projet, certains éléments sont demandés afin de pouvoir répondre aux critères d’appréciation du jury, dont les objectifs en termes de garanties, en matière d’emploi, en matière de retombées économiques pour notre Région, et de création de valeurs pour la Wallonie. De plus, chacun des projets sélectionnés suivra des modalités d’intervention et de décision classiques de Wallonie Entreprendre, et prend ces conditions en compte lors de ces décisions d’investissement. Il est également à noter qu’une task force va être mise en place, qui va regrouper les représentants des différents acteurs institutionnels concernés. Il s’agit des administrations, des partenaires divers, des cabinets si besoin pour accompagner et aider au mieux les porteurs des projets sélectionnés et si possible accélérer l’identification de sites potentiels d’exploitation, l’obtention des permis requis, et les autres autorisations administratives qui seraient nécessaires, ainsi qu’accompagner quant aux aides disponibles. Je ne parle pas ici des aides spécifiques de financement, mais des aides à l’investissement ou d’autres effets leviers également. Par rapport au timing de cet appel, dans les 10 prochaines années, suivant un certain nombre d’analyses, on estime que la demande en batteries devrait poursuivre une croissance énorme. Certaines études parlent de 27 % de croissance moyenne annuelle. Même si ce n’est pas 27 %, convenons que cette croissance est exponentielle. Il est donc essentiel que la Wallonie se positionne également pour saisir cette nouvelle opportunité avec également des perspectives de réindustrialisation, de croissance économique, de création d’emplois, mais aussi d’acquisitions d’expertises croissantes en la matière et de structuration d’un écosystème autour également de ce dispositif. Malgré un certain nombre de conditions favorables, on sait qu’au cours des dernières années, le nombre d’acteurs producteurs de batteries sont restés très longtemps relativement limités. Par ailleurs, on sait que les objectifs de réappropriation ou de « reneighborisation », comme dit l’Europe, c’est-à-dire le rapprochement dans des espaces beaucoup plus voisins du territoire européen, font partie de la ligne conductrice adoptée par l’Europe. Notons par ailleurs que certains projets de gigafactory en Europe ont été annoncés très récemment, avec des prévisions de démarrage qui vont de 2026 à 2030. Notons également que BPI France, que je connais bien parce que j’ai été en contact avec eux dans le cadre des réflexions menées pour conduire à la fusion de la SOGEPA, de la SOWALFIN et de la SRIW en Wallonie Entreprendre, vient de lancer des appels à projets similaires fin de l’année dernière et début de cette année. Compte tenu des besoins et des besoins exponentiels, de la volonté de l’Europe d’être beaucoup plus largement autonome dans des filières stratégiques comme celle-là et eu égard au timing dans certains pays voisins, on se trouve encore dans une temporalité qui est indiquée en ce qui concerne cet appel à projets. Dans un rapport certes provisoire, Wallonie Entreprendre a indiqué avoir déjà reçu des marques d’intérêt sérieuses à ce propos. Au niveau des impacts – c’est en cela que je termine les réponses à vos questions –, suivant les projets allemands et français annoncés de 2026 à 2030, les usines de production de batteries de type gigafactories impliquent une création de 1 400 à 2 000 emplois directs et de l’ordre de 4 000 emplois indirects par projet de gigafactory, tandis que les usines de recyclage tournent plus généralement autour de 200 à 300 emplois. Je ne vais pas spéculer quant à un chiffre d’emploi industriel possible, mais j’aurai l’occasion de vous revenir quand j’en connaîtrai plus concernant les projets éventuellement déposés. Je rappelle que l’on a agi mutatis mutandis de la même manière concernant le projet plastique, ce qui a notamment permis d’attirer le projet Lavergne chez nous. Lavergne est un des acteurs notamment du recyclage du plastique. Je termine en indiquant que le financement de nos interventions se fait sous forme de participation au capital, d’equity ou de quasi equity et en partie sur les fonds propres de Wallonie Entreprendre. Par ailleurs, on souhaite s’intégrer dans les règles telles qu’elles viennent d’être récemment assouplies par les autorités européennes. Je réponds en cela à la question de M. Janssen. En ce qui concerne les aides d’État dans le secteur des technologies vertes, dont les batteries, c’est la réponse de l’Europe que j’ai évoquée tout à l’heure, l’Inflation reduction act, décidé par les États-Unis. Il faut néanmoins indiquer que notre processus était antérieur à cela, puisqu’on est dans un des projets prioritaires du Plan de relance. J’aurai l’occasion de répondre à une question spécifique sur ce sujet ultérieurement en ce qui concerne, à la suite de cette décision récente de l’Europe, et singulièrement du Green Deal industrial plan, la modification de nos dispositions, notamment en ce qui concerne les aides d’État et l’application du règlement général d’exemption par catégorie, ce fameux RGEC qui guide les interventions possibles et surtout les balises en termes d’aides d’État, que ce soit pour les États membres ou pour notre Région. On doit à cet égard entreprendre un certain nombre de contacts avec nos homologues fédéraux et singulièrement avec la SFPI qui est le bras armé en termes d’investissements du Fédéral.
Réplique de N. Janssen. – Merci beaucoup à M. le Ministre pour l’ensemble de ces précisions. Concernant le montant, j’ai pris bonne note qu’il pourra être revu en fonction de la création de valeurs, de l’effet de levier attendu. Il est probable qu’il permette d’attirer d’autres projets, qu’il ait un effet déclencheur, qu’il soit ce signal très attendu. C’est ce que nous attendons tous. Concernant le timing, on ne fera probablement pas partie des pionniers, on sait que d’autres acteurs travaillent sur le sujet. On a bien entendu envie de croire qu’il n’est pas trop tard au vu des perspectives annoncées de développement pour les 10 prochaines années, les perspectives de réindustrialisation en la matière dans notre Région, mais également en Europe. Merci à ce sujet d’avoir fait le lien avec la stratégie mise en place au niveau européen pour riposter aux décisions des États-Unis avec l’IRA.