QO 18/10/22 à la Ministre Tellier: Les dégâts causés aux cultures par les corvidés
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Question (N. Janssen). – Madame la Ministre, les dégâts occasionnés aux cultures par les corvidés, les pies et les becs droits sont toujours plus nombreux. Diverses associations, notamment agricoles, et les conseils cynégétiques ont confirmé ce constat dressé par les agriculteurs. La destruction de la corneille noire et des pies est éventuellement accordée au titulaire du droit de chasse après une longue procédure administrative. Quant au corbeau freux et au choucas des tours, ils sont repris dans la liste des espèces protégées établies par l’Europe conformément à la directive Oiseaux. Du fait de leur statut et ayant peu de prédateurs à l’heure actuelle, ces populations sont en expansion. Cette expansion se fait, en outre, au détriment de la petite faune. Une procédure de dérogation à la protection de ces espèces existe en Wallonie. Cependant, cette procédure est longue et fastidieuse et ne permet pas d’agir rapidement et efficacement. En juillet 2021, vous évoquiez une procédure simplifiée.
Pouvez-vous nous dire où nous en sommes ? La simplification étendue de la procédure que vous citiez est-elle aujourd’hui effective ? En Suisse, très récemment, une pétition a reçu près de 1000 signatures et a été déposée afin de requérir l’implémentation immédiate d’un plan d’actions concrètes afin de prévenir les dégâts causés par les corvidés. Ne devrions-nous pas prévoir un tel plan également en Wallonie ? Comment préserver nos cultures, particulièrement dans un contexte international de pénurie d’approvisionnement alimentaire où il conviendrait d’être attentif à leur protection ? Ne devrions-nous pas mettre en place, par ailleurs, une indemnité pour les agriculteurs, les maraîchers et autres professionnels concernés, pour les dégâts imputables aux corvidés et aux becs droits ?
Réponse (Mme Tellier, Ministre de l’Environnement) – Monsieur le Député, l’augmentation des dommages de corvidés est imputable à plusieurs facteurs.
Premièrement, les populations de corvidés ont connu une forte progression entre 1970 et 2000 en raison de la modification profonde des systèmes agraires et de la structure paysagère. Leurs populations se sont développées dans ces zones de grandes cultures tandis que la raréfaction des invertébrés, petits vertébrés ou des baies a conduit à un report de leur alimentation sur les cultures, plus facilement accessibles. Les chiffres récents montrent cependant une tendance à la stabilisation, voire à la diminution globale des effectifs, hormis pour le choucas des tours. Au-delà de cette tendance générale, les populations de corvidés peuvent se montrer localement très importantes, avec des impacts directs conséquents sur les cultures.
Deuxièmement, l’utilisation du Mesurol, produit répulsif utilisé sur les semences de maïs, est interdite depuis 2020, ce qui augmente fortement la consommation des semis de maïs, notamment par les corvidés. L’octroi des dérogations est encadré par l’arrêté du 27 novembre 2003 fixant des dérogations aux mesures de protection des oiseaux. Cet arrêté prévoit notamment de solliciter l’avis de la section Nature du pôle Ruralité sur chaque demande. Ceci ne permet pas une réponse suffisamment rapide pour une réaction immédiate au moment des semis.
À mon initiative, des consultations des différentes parties prenantes ont eu lieu cet automne afin de dégager des pistes de solution. Une des pistes évoquées est l’adaptation du cadre légal pour permettre une délivrance plus rapide des dérogations tout en veillant au respect des conditions qui doivent encadrer celle-ci. À plus court terme, d’autres pistes sont en réflexion afin d’accélérer l’octroi de la dérogation dès la saison 2023.
Par ailleurs, la problématique des dégâts causés par les corvidés ne peut être approchée uniquement sous l’angle du processus dérogatoire. Une réflexion doit également être menée sous l’angle de la prévention, par exemple au niveau de la recherche sur les techniques culturales ou sur les répulsifs des semences. Le retour à un niveau acceptable de prélèvements sur les cultures devrait également passer par une évolution de nos systèmes agricoles afin d’augmenter leur résilience.
Enfin, les corvidés ne font pas partie des espèces dont les dommages peuvent être indemnisés et il n’est pas prévu d’élargir l’accès à ce système aux dommages causés par les corvidés. En effet, ceci ferait porter sur la collectivité des coûts importants alors qu’une part de la responsabilité du problème vient justement de l’évolution des pratiques agricoles. À mon sens, l’indemnisation des dommages ne doit donc pas être activée ou, en tout cas, uniquement en dernier recours en l’absence d’autres mesures, ce qui n’est pas le cas en la matière.
Réplique (N. Janssen). – Merci, Madame la Ministre, pour vos éléments de réponse, notamment les éléments plus historiques quant à la forte progression des corvidés entre les années 70 et 2000. Vous avez évoqué une relative stabilisation plus récemment hormis pour le Choucas des tours, pour lequel on continue à constater une augmentation. Je suis heureux d’entendre que vous partagez pleinement cette volonté de permettre aux agriculteurs de réagir plus rapidement et que vous souhaitez adapter le cadre légal. Si j’ai bien compris, vous souhaitez que ce soit mis en œuvre dès le printemps 2023, ou en tout cas faciliter les dérogations.
En effet, il y a vraiment urgence à la fois pour préserver nos cultures dans le contexte d’approvisionnement alimentaire sous tension, à la fois en regard du déclin de la biodiversité, comme le rappelle le rapport du WWF. Je ne plaide pas pour une lutte contre les corvidés et les becs droits ; ils ont leur utilité, bien évidemment. Je plaide pour une gestion et un contrôle des populations afin d’éviter les conséquences néfastes que vous avez rappelées.