QO 19/02/24 au Ministre Henry : La circulaire relative au nouveau cadre en matière de déploiement d’éoliennes
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, le Gouvernement a validé le 8 février dernier la circulaire offrant un nouveau cadre de référence des crises. Ce texte était très attendu par tous les acteurs du secteur et vise notamment – cela me semble important – à favoriser l’acceptabilité sociale des projets éoliens. Le nouveau cadre prend en compte les nouvelles technologies disponibles et permet notamment d’installer des éoliennes plus puissantes, ce qui me semble important en vue d’atteindre 180 à 200 mètres de hauteur. On a parlé de la distance qui doit être fixée à minimum 500 mètres, en plus de la moitié de la hauteur du mât. Outre cette circulaire validée le 8 février, vous avez annoncé que le futur décret sur le permis d’environnement rendra obligatoire l’ouverture du capital de tout nouveau parc éolien dans le cadre de l’obtention d’un permis avec une participation financière de minimum 24,99 %, tant du côté des citoyens qu’au niveau des communes, pour un total de 49,8 %. Ceci dans le but de favoriser cette acceptabilité ou adhésion sociale du projet et de manière à lutter contre ce fameux NIMBY dont on parle si souvent. Monsieur le Ministre, comment allez-vous assurer la mise en œuvre de ce nouveau cadre ? Qu’en est-il, par exemple, des projets en cours ? Devront-ils être adaptés ? Quelles sont les mesures transitoires prévues pour que les acteurs puissent basculer sereinement entre les systèmes ? Pourriez-vous présenter le calendrier envisagé ? La participation citoyenne et des autorités publiques, soit 49,28 % au total, s’appliquera-t-elle au parc existant lors d’une demande de repowering ou de prolongation ? De quelle manière allez-vous vous coordonner avec l’ensemble des acteurs du secteur, les pouvoirs locaux et les coopératives citoyennes dans le cadre de cette révision du cadre de référence ? Enfin, qu’avez-vous prévu dans ce nouveau cadre concernant les zones forestières, soit celles à haute biodiversité ? On sait en effet qu’il en est souvent question. Comment allez-vous permettre une attention accrue aux paysages qui font partie de notre patrimoine culturel ?
M. Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – Messieurs les Députés, je suis heureux de vous annoncer que, sur ma proposition, le Gouvernement a adopté, ce 25 janvier, le nouveau cadre de référence éolien. C’est un gros travail qui se clôture sur l’éolien. Ce cadre s’appliquera à partir du 26 avril prochain aux nouvelles demandes de permis et aux procédures en cours – demandes déposées avant ce 26 avril – dont le Gouvernement est saisi après un arrêt d’annulation du Conseil d’État et qui font l’objet de dépôts de plan modifiés – puisque ceux qui sont déjà dans le circuit sont soumis à l’ancien cadre. Ceci permet d’assurer une transition sereine des projets vers le nouveau cadre, qui est une circulaire du Gouvernement qui s’adresse aux fonctionnaires en charge de la délivrance des permis uniques éoliens. À ce titre, la circulaire contient une série d’indications. Cela n’empêche pas, Monsieur Antoine, que l’autorité compétente peut, à l’occasion de l’analyse de la demande de permis, s’écarter du cadre et procéder à des arbitrages dans l’une ou l’autre de ces indications – comme c’était déjà le cas précédemment. Conformément à son statut de circulaire, le cadre est adopté définitivement en une seule lecture par le Gouvernement qui a pu s’appuyer sur les compétences et l’expertise des parties prenantes suivantes : Edora, REScoop, la CPDT, Canopea, l’Union des villes et communes de Wallonie, les pôles Aménagement et Environnement, l’Union wallonne des entreprises et Wallonie Développement. La circulaire améliore le cadre éolien à plusieurs égards. Il y est précisé que la mise en œuvre des objectifs de production éolienne est d’intérêt public majeur. L’objectif éolien wallon est rehaussé à 6 200 gigawattheures à l’horizon 2030 comme convenu dans le PACE. Les décisions relatives aux permis éoliens doivent ainsi faire la balance des intérêts entre les indications du cadre et les objectifs de production éolienne. Dans l’attente d’un cadre légal rendant obligatoire la participation des communes et des citoyens à concurrence de 24,99 % pour chaque groupe, les développeurs éoliens sont encouragés à permettre la participation citoyenne et communale en complétant leurs demandes de permis d’une part d’un rapport portant sur l’organisation de l’appel à manifestation d’intérêt et, d’autre part, des offres de participations réellement émises à destination des citoyens et des pouvoirs locaux. S’agissant de la participation citoyenne, le Gouvernement indique une préférence pour la participation effective des riverains du projet. Ces derniers sont les citoyens dont le paysage proche est susceptible d’être impacté par le projet. Si la participation au financement permet un retour sur investissement, une participation au capital donne également un droit de vote, notamment quant aux questions d’utilisation et de commercialisation de la production de l’énergie. La participation des communes dans les projets éoliens est également mise à l’honneur, car elle octroie indirectement un bénéfice à tous les citoyens desdites communes, et pas uniquement à ceux qui ont les moyens de participer. Le mécanisme prévu par le nouveau cadre encourage cette participation dans le respect de l’autonomie communale directement ou via des intercommunales ou des régies communales. Il n’empêche pas tout autre type d’investissement communal autre que la participation au sens du nouveau cadre, comme la cession de droits réels sur des terrains communaux, qui se pratique avec succès. Un cadre légal rendant obligatoire la participation est bien en projet. Par ailleurs, il est proposé au Parlement d’imposer aux porteurs des projets éoliens l’émission d’« offres loyales de participation » à concurrence de 24,99 % pour les citoyens et 24,99 % pour les pouvoirs locaux. Concrètement, cette imposition se formaliserait par une condition de complétude de la demande de permis portant sur un projet éolien, sans distinguer selon que la demande vise la création d’un nouveau parc, le rééquipement ou l’agrandissement d’un parc existant. La proposition de décret vise à imposer aux développeurs éoliens de démontrer, lors du dépôt de leur demande de permis, qu’ils ont organisé un appel à manifestation d’intérêt à participer au projet éolien et qu’ils ont en effet fait offre de participation. Si ledit appel n’a pas suscité d’intérêt, si le projet n’est, in fine, pas du tout ou peu participatif, la demande de permis sera néanmoins complète et pourra suivre son cours procédural. Vous vous interrogez, Monsieur Janssen, sur le droit transitoire de cette participation pour les projets qui ont fait l’objet d’une réunion d’information préalable au plus tard trois mois après l’entrée en vigueur du futur décret. L’appel à manifestation d’intérêt et le rapport y afférent peuvent être organisés et dressés au plus tard lors du dépôt de la demande de permis. À cet égard, M. Antoine veut suggérer qu’imposer ce système de participation des communes ou des citoyens au projet s’opposerait à l’imposition d’une taxe. Je précise que l’imposition de participation ne constitue ni une taxe ni une redevance pour les développeurs. Au contraire, chacun des deux groupes devra payer ses développeurs, acheter des tickets de participation s’il souhaite accepter des offres de participation émises. Ensuite, le nouveau cadre apporte plus de lisibilité pour les fonctionnaires en ce qu’il se divise entre, d’une part, un point relatif au principe d’implantation et, d’autre part, un point spécifique au dossier de permis et au contenu des études d’incidences environnementales. J’en viens désormais à quelques modifications essentielles relatives au principe d’implantation dans le cadre de cette nouvelle directive et de cette nouvelle circulaire, et donc de cette volonté de simplification. Ainsi sont préférés les ensembles de quatre éoliennes, mais ce nombre peut être réduit dans les cas suivants :
- repowering d’un parc en exploitation ;
- agrandissement d’un parc en exploitation ;
- en zone d’activité économique, si le projet présente plus de 3,2 mégawattheures ;
- ailleurs si le projet présente plus de 3,2 mégawattheures, qu’il s’intègre harmonieusement dans le paysage et qu’il ne réduit pas le potentiel éolien de la zone.
Pour protéger le cadre de vie des Wallons, le nouveau cadre maintient les exclusions dans les zones d’habitat au sens large, comme les zones naturelles, les zones de parcs et les zones de loisirs comportant des hébergements touristiques. Quelle que soit la zone du plan de secteur dans laquelle le projet éolien s’implante, le nouveau cadre prévoit également des distances minimales aux zones d’habitat au sens large et aux habitations elles-mêmes. C’est cela qui permet le repowering des parcs éoliens existants implantés à 600 mètres d’une zone d’habitat au sens large et actuellement composés de mâts de 150 mètres ou moins, et ainsi d’augmenter le productible de la Wallonie sans impacter significativement le paysage des Wallons. Je rappelle que le repowering amène une très grosse augmentation de productible. La protection des paysages fait également partie du nouveau cadre, tant dans ses indications à destination des fonctionnaires que pour orienter les demandeurs de permis lors de la constitution des dossiers de demande, et notamment en ce qu’il est conseillé d’éviter l’encerclement des villages. Le nouveau cadre utilise la notion d’intégration harmonieuse dans le paysage et la preuve de cette intégration est facilitée en cas de regroupement des projets aux infrastructures structurantes du paysage. En effet, le regroupement d’un projet éolien à une autoroute, par exemple, s’intègre au système paysager formé par cette autoroute et, en cela, ne déstructure pas le paysage. Enfin, je rappelle autant que de besoin que la nouvelle circulaire s’inscrit dans un cadre législatif et réglementaire en vigueur. Protecteur des citoyens wallons, des paysages de la Wallonie, de la faune et de la flore. Je pointe en particulier la loi sur la conservation de la nature qui réglemente l’atteinte et la mise à mort d’espèces protégées et la dégradation de sites protégés ; le Code de l’environnement, qui permet aux citoyens de participer à une réunion d’information préalable à l’étude d’incidences sur l’environnement ; la RIP, qui permet à l’auteur de projet de présenter son projet et au public d’émettre ses premières observations et suggestions orales. De plus, dans le cadre de l’enquête publique, les citoyens sont de nouveau invités à rendre leurs observations et suggestions – écrites cette fois – sur le projet qui est à l’instruction. Il y a également le CoDT qui donne aux paysages bâtis et non bâtis une place centrale et qui encadre le développement éolien en zone forestière ; le CoPAT, qui établit les règles en matière de zone tampon UNESCO, d’actes et travaux sur biens classés et patrimoniaux ; ainsi que les conditions sectorielles relatives à l’éolien, par arrêté du Gouvernement du 25 février 2021, qui vise à annuler l’effet stroboscopique et les nuisances sonores des parcs éoliens, à prévenir tout risque d’accident et d’incendie, ainsi qu’à empêcher la mise à mort ou la perturbation des oiseaux et des chauves-souris. Alors, Monsieur Crucke, vous m’avez envoyé quelques questions concernant des interpellations qu’il serait plus intéressant d’adresser à mes collègues compétents en matière de territoire et d’environnement. Je vais quand même revenir sur certains points, mais vous évoquiez à l’instant la question du passif covid. Je vous avoue que je ne saisis pas exactement la question puisqu’on est face à des délais de rigueur dans la gestion des permis et donc, a priori, il y a des échéances à traiter. Je ne sais pas exactement à quoi vous faites référence sur cette dernière question. Pour ce qui concerne l’adéquation des ressources humaines pour faire face aux enjeux du PACE, le Gouvernement a décidé de faire un état des lieux des ressources humaines des administrations régionales chargées de la délivrance des permis, du soutien aux énergies renouvelables, de l’aide aux porteurs de projets et du suivi de l’atteinte de nos objectifs énergétiques. Cet état des lieux est sous le pilotage de ma collègue en charge de la fonction publique, en concertation avec nos collègues de l’aménagement du territoire et de l’environnement, et de moi-même. Ensuite, la proposition de décret modifiant le permis d’environnement traduit l’une des mesures de la pax eolienica II en rendant obligatoire la concertation préalable des administrations et des instances d’avis. Elle instaure le principe d’un avis commun, ce qui est un gage d’harmonisation des points de vue entre les administrations et instances, mais aussi de sécurité juridique et de clarté pour les porteurs de projets. Enfin, tant le cadre de référence éolien que la proposition de décret modifiant le permis d’environnement, déposée par les parlementaires et qui est au Conseil d’État pour avis, consacrent l’intérêt public majeur des énergies renouvelables et la motivation des décisions et propositions de décision des autorités délivrant les permis. Cette présomption et l’exercice de mise en balance des intérêts concourent ainsi à asseoir l’objectif d’intérêt général de l’indépendance énergétique, et donc des énergies renouvelables. Pour le reste, je me permets de vous inviter à adresser vos questions plus spécifiquement à mes collègues compétents sur ces matières. Monsieur Antoine, la révision des distances entre les parcs éoliens et les bases aériennes est de la compétence du ministre de la Défense. Ces derniers mois, de nombreux contacts ont été pris par mon cabinet avec les ministres Gilkinet et Dedonder, pour la Défense, mais aussi pour la partie aviation. Ceux-ci ont permis d’accélérer la cadence pour présenter un plan d’action de libération de contraintes. Celui-ci devrait être présenté au Gouvernement fédéral durant la deuxième quinzaine de février. Une réunion a eu lieu récemment lors de laquelle le plan de Skeyes et de la Défense, qui – je vous le rappelle – concrétise une décision du Gouvernement fédéral, a été présenté au secteur éolien et à mes collaborateurs. Ce plan s’articule autour d’une évolution des systèmes de navigation et de surveillance ainsi qu’autour de nouvelles procédures opérationnelles. Il passera ainsi par un décommissionnement de balises DVOR – avec un impact positif direct pour le secteur –, un basculement vers une navigation satellitaire et une approche par triangulation. Les premiers effets se marqueront dans la zone de Liège avec une opérationnalisation annoncée pour fin 2024. Très concrètement, cette nouvelle approche devrait permettre une réduction de la no-go zone de 10 kilomètres – actuellement – à 4 à 8 kilomètres en fonction de la hauteur de l’éolienne, une fois le système mis en œuvre : 4 kilomètres pour une éolienne de moins de 150 mètres ; 5 kilomètres pour une Wind Turbine (WT) de moins de 210 mètres, 6 kilomètres pour une WT de moins de 230 mètres, 7 kilomètres pour une WT de moins de 270 mètres et 8 kilomètres pour une WT de moins de 300 mètres. J’espère avoir ainsi répondu à la plupart de vos nombreuses questions. Je vous encourage évidemment à la lecture des documents complets. C’est un sujet technique, mais nous concrétisons ainsi un volet très important de la pax eolienica telle qu’elle était convenue.