QO 24/10/23 à la Ministre Tellier : Le rôle du tilleul dans la lutte contre les changements climatiques et le programme Trees for Future
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Question (Nicolas Janssen). – Madame la Ministre, suite au constat que 60 % des essences qui peuplent nos forêts montrent aujourd’hui des signes de faiblesse, la Société royale forestière de Belgique porte depuis quatre ans un projet baptisé Trees for Future pour augmenter la diversité au sein des espèces indigènes. De même, afin de lutter contre le réchauffement climatique, le Comptoir forestier wallon a pour mission de récolter un maximum de graines adaptées à nos conditions climatiques actuelles et surtout futures. C’est le cas du Chêne sessile ou de l’Alisier torminal, mais aussi du Tilleul. Une récolte de ces graines est en cours au bois de Lauzelle à Louvain-la-Neuve, où un filet vert est étendu à même le sol, entourant les troncs de 18 tilleuls à petites feuilles, tilia cordata. D’autres prélèvements ont lieu simultanément à Florenville et à Libin afin d’assurer une diversité génétique suffisante. Le but est de rechercher des espèces adaptées aux variations climatiques extrêmes que nous connaissons désormais. En effet, le tilleul est une espèce qui résiste à la chaleur et à la sécheresse, bien qu’elle fut par le passé décriée pour la mauvaise qualité de son bois, la nécessaire adaptation des forêts wallonnes aux changements climatiques la remet en lumière pour ces qualités notamment. La Belgique participe d’ailleurs à un projet de verger conservatoire de tilleul avec la France, l’Allemagne et les Pays-Bas. Quelles nouvelles opportunités cela représente-t-il pour notre Région ? La Wallonie soutient-elle l’initiative Trees for Future de la Société royale forestière de Belgique ainsi que le Comptoir forestier wallon ? Si oui, comment et quel est le budget qui y serait alloué ? Comptez-vous par ailleurs remettre à l’honneur le tilleul et d’autres arbres possédant de telles qualités d’adaptation au changement climatique ? Quels sont les débouchés des plants issus de ces graines ? Les espèces identifiées comme réponse au changement climatique ont-elles désormais une place particulière au sein du programme Yes We Plant ? Je vous remercie.
Mme Tellier, Ministre de l’Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal. – Monsieur le Député, l’adaptation de nos forêts au dérèglement climatique constitue en effet un enjeu majeur. Vous savez que j’y suis particulièrement attentive depuis le début de cette législature. Nos forêts représentent, je le rappelle, près d’un tiers de notre territoire et, comme vous l’avez également rappelé, 60 % des essences qui peuplent aujourd’hui nos forêts montrent des signes de faiblesse, de dépérissement, dus notamment à la sécheresse. Il est donc indispensable et vraiment urgent d’anticiper les changements à venir en rendant nos forêts plus robustes, plus résilientes par rapport à ces risques et également par rapport à l’érosion de la biodiversité. Le Comptoir forestier est une structure qui appartient au Service public de Wallonie et qui dépend plus directement du Département de la nature et des forêts. Il a pour objectif de récolter, traiter, conserver et commercialiser des semences principalement forestières, mais également arbustives. La Région wallonne lui alloue un budget annuel. Par son intermédiaire, la Belgique participe effectivement à un projet de verger conservatoire de tilleuls en collaboration avec plusieurs pays limitrophes. C’est justement dans le cas d’espèces rares et disséminées que les vergers à graines trouvent tout leur sens. Ils regroupent des individus de qualité exceptionnelle, avec une bonne productivité, mais aussi une bonne résistance aux contraintes climatiques et biotiques. Ils peuvent également transmettre à leur descendance ces caractères génétiques intéressants par la production de graines qui seront récoltées par le Comptoir forestier. Travailler en collaboration avec des institutions partenaires dans d’autres pays permet d’obtenir une collection qui est plus riche et plus diversifiée. Au terme de ce projet, le comptoir disposera d’un verger supplémentaire pour une espèce plébiscitée dans le cadre de la diversification des essences pour faire face au dérèglement climatique. Cela permettra de répondre, au moins partiellement, à la demande croissante attendue pour le tilleul. Les graines récoltées et traitées par le comptoir, qu’il s’agisse du tilleul à petites feuilles ou d’autres espèces, sont ensuite commercialisées auprès de différents clients. Il s’agit principalement de pépiniéristes forestiers wallons qui fourniront des plants, entre autres, aux propriétaires forestiers de la Région. Le programme Yes We Plant quant à lui se concentre sur les plantations de haies vives, d’alignements d’arbres, de vergers de taille linéaire et sur l’entretien des arbres têtards. Il privilégie les essences indigènes et permet un accompagnement important des planteurs, notamment pour réaliser des plantations plus résilientes face aux dérèglements climatiques. La Région wallonne participe également au comité de suivi scientifique du projet Tools for Future. Le Comptoir forestier a ainsi apporté son expertise et son appui pour les prises de contact dans le cadre de l’achat de graines de certaines espèces à l’étranger. Les essences qui présentent des qualités d’adaptation aux dérèglements climatiques, comme le tilleul, font partie de la liste des arbres proposés pour notre projet « Forêt résiliente ». Filière Bois Wallonie qui est issue de la fusion entre l’Office économique wallon du bois et l’ASBL « Ressources naturelles développement » est également associée à ces initiatives. Les demandes de subvention des propriétaires privés sont en effet analysées dans le cadre de ce projet. Ces essences plus robustes devront trouver leur place au sein de la filière de valorisation du bois, grâce notamment à l’appui de Filière Bois Wallonie, et grâce aussi à un projet complémentaire, le projet 107 du Plan de relance, qui s’attache à développer la filière de première et de deuxième transformation du bois feuillu. L’objectif est aussi de créer des filières de valorisation locales avec des produits finis de qualité qui nous permettent de limiter la dépendance à l’exportation, notamment en soutenant la recherche et le développement, mais aussi des programmes d’investissements concrets. Pour conclure, plusieurs résolutions issues des Assises de la forêt concernent le développement de la filière bois en Wallonie. La stratégie forestière wallonne qui est en cours d’élaboration traduira également ces résolutions en mesures concrètes. Nous mettons tout en œuvre pour préparer au mieux nos forêts aux dérèglements climatiques en inscrivant cette stratégie dans le long terme.
Réplique de N. Janssen. – Je me limiterai à remercier Mme la Ministre pour cette réponse particulièrement complète sur ce sujet important.