QO 27/05/25 au Ministre Desquesnes : l’existence d’une stratégie wallonne en matière d’écoducs
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, merci encore pour les éléments que vous aviez apportés en réponse à la question d’actualité que je vous avais posée lors de la dernière séance plénière sur les écoducs en Wallonie. Cependant, plusieurs points essentiels restent encore sans réponse.
Vous aviez tout d’abord évoqué l’existence de 53 écoducs et de dispositifs de clôtures en Wallonie, sans toutefois nous éclairer avec précision sur les critères d’aménagement, sur les formes privilégiées – écoducs supérieurs, inférieurs ou mixtes – ou encore sur l’absence de monitoring généralisé, pourtant central pour en évaluer l’efficacité, comme cela se fait aussi bien en Flandre qu’en France.
Existe-t-il une stratégie claire ou un référentiel wallon définissant les normes, les priorités d’emplacement, les typologies d’écoducs à favoriser selon les zones ou les espèces à protéger ? Confirmez-vous l’absence actuelle d’un système de monitoring actif et régulier – type caméras ou capteurs, par exemple – permettant de quantifier les passages de faune et d’en tirer des enseignements pour les projets futurs ? Si oui, des initiatives sont-elles à l’étude pour combler ce manque ?
Dispose-t-on d’une cartographie actualisée des points noirs en matière de collisions entre faune et véhicules ? Celle-ci est-elle partagée avec les communes et les acteurs de terrain pour orienter les futurs aménagements ? Dans cette cartographie, où seraient localisés les points noirs les plus critiques en matière de collisions entre faune et véhicules ? Sont-ils davantage concentrés dans des zones rurales reculées, en lisière de forêt, à proximité d’agglomérations ou sur des voiries à fort trafic ? Une analyse géographique de ces risques a-t-elle été conduite pour adapter les réponses infrastructurelles ?
M. François Desquesnes, Ministre du Territoire, des Infrastructures, de la Mobilité et des Pouvoirs locaux. – Je vous remercie pour vos questions. Comme je l’ai précisé lors de la dernière séance plénière, 53 écoducs sont référencés dans la banque d’ouvrages d’art du SPW Mobilité et Infrastructures. Cette dernière reprend aussi bien les écoducs que les passages à gros gibiers ou mixtes permettant aussi le passage de bétail.
Ce chiffre ne reprend pas les nombreux aqueducs ou tunnels pour cours d’eau dans lesquels on a aménagé une banquette sèche pour permettre le passage de la petite faune.
Mon administration m’indique que les chiffres avancés par le WWF sont inexacts. À ce jour, deux ouvrages supérieurs et un ouvrage inférieur sont recensés sur l’autoroute E411 en Province du Luxembourg. D’autres aménagements similaires existent d’ailleurs dans la province du Luxembourg, notamment sur la N89 et la N4, pour ne reprendre que cette province.
Pour les nouveaux contournements – Couvin, Tinlot, et cetera –, c’est en général suite à une étude d’impact environnemental réalisée par le Département de la nature et des forêts qu’il est décidé d’intégrer divers passages à faune.
La localisation de ces infrastructures est analysée et étudiée, de sorte que leur positionnement soit adéquat en fonction de la présence de la faune et des flux naturels de déplacement de celle-ci, en collaboration avec tous les services compétents en la matière.
Les passages supérieurs à gros gibiers sont particulièrement coûteux vu qu’ils atteignent minimum 30 mètres de large, soit trois fois la largeur d’un pont routier. Les solutions comme réparer les clôtures et placer des écrans le long des routes à grandes vitesses pour protéger la faune sont dès lors privilégiées. C’est également le choix fait par mon prédécesseur.
De nombreux crapauducs ont été aménagés au cours des dernières années par les directions territoriales en collaboration avec l’un ou l’autre acteur local. Généralement, ces opérations ont lieu lors d’une rénovation ou adaptation importante d’une chaussée. Pour votre information et pour citer un exemple concret, un projet de construction de cinq crapauducs permettant aux batraciens de traverser le contournement de Blaton est en cours de finalisation.
Un relevé de l’ensemble des dispositifs construits par le SPW Mobilité et Infrastructures est en cours de réalisation afin de déterminer au mieux les zones qui devraient encore être équipées de ce type d’écoducs au cours du prochain quinquennat de travaux.
Depuis plusieurs années, le processus de gestion de projets d’infrastructure – appelé GPS 2 – prévoit qu’un screening environnemental soit réalisé pour tout projet susceptible d’avoir un impact sur la flore ou la faune. Ce screening permet d’intégrer dès la conception les besoins en matière de défragmentation de la biodiversité. Ces études ont conduit à l’intégration de dispositifs tels que des nids pour hirondelles de rivage, des passes à poissons, des clôtures de guidage pour la faune, des bosquets pour les chauves-souris ou encore le renforcement de zones de nidification.
Concernant l’efficacité des écoducs, le SPW ARNE a conclu des conventions avec des universités et diverses ASBL, comme les parcs naturels et les contrats de rivière. Le SPW Ml entretient également des contacts réguliers et structurels avec ces acteurs.
En parallèle, la Direction des études environnementales et paysagères du SPW Ml finalise un cahier des charges pour une étude visant à analyser les impacts environnementaux et écosystémiques des aménagements de biodiversité réalisés par le SPW Ml.
Dans le cadre de cette législature, plusieurs projets LIFE sont à l’étude. Ils visent à mobiliser des financements européens pour améliorer la gestion de la biodiversité le long des infrastructures et tendre vers une défragmentation maximale.
La carte des réseaux écologiques établie par ma collègue en charge de la Nature devra également être intégrée dans cette réflexion.
Enfin, en matière de défragmentation des voies hydrauliques, notamment par la construction de passes à poissons ou la suppression d’obstacles, l’objectif est de finaliser, au cours de cette législature, l’équipement de la Meuse, de l’Ourthe et de l’Amblève.
Monsieur Janssen, l’Agence wallonne pour la sécurité routière a déjà réalisé une localisation des accidents corporels impliquant des animaux. Toutefois, ces données restent relativement limitées. J’ai déjà donné une réponse à une question écrite récemment. Je pense que c’était un député libéral, M. Gardier qui a été le premier à m’avoir interrogé là-dessus. Il faut rendre à César ce qui appartient à César.
On recense 40 accidents corporels par an impliquant un animal en Wallonie, ce qui ne permet pas d’identifier de véritables points noirs avec précision. Ils sont étalés sur tout le territoire.
Une analyse géographique de ces accidents met en évidence une surreprésentation dans les provinces de Namur et de Luxembourg, mais ce sont de grandes provinces. Elles concentrent à elles seules près de la moitié des accidents corporels avec des animaux, alors qu’elles ne représentent qu’un quart de l’ensemble des accidents corporels, tous types confondus, en Wallonie.
Ce constat s’explique aisément par le caractère rural, naturel, forestier de ces territoires et la présence de nombreuses zones propices aux traversées d’animaux sauvages.
Les données dont dispose l’Agence wallonne pour la sécurité routière ne couvrent que les accidents ayant entraîné des victimes parmi leurs usagers. Cela exclut donc tous les cas où seuls des animaux, une petite faune principalement, sont percutés sans conséquence pour les occupants des véhicules impliqués, mais malheureusement avec une conséquence fatale pour les animaux.
Pour 2024, les chiffres provisoires relatifs à l’accidentalité n’intègrent pas encore le détail de la nature des obstacles percutés, ce qui empêche de communiquer des statistiques fiables concernant les accidents impliquant des animaux pour l’année 2024. Il est donc important de rappeler que les accidents corporels sont définis comme ceux ayant causé au moins un blessé léger ou grave, ou un décès dans les 30 jours suivant l’accident.
Or ces cas ne représentent qu’une fraction des accidents réellement survenus sur nos routes. Les accidents dans lesquels un animal est percuté, mais qui n’entraînent que des dégâts matériels au véhicule ne seront donc pas repris dans les statistiques officielles, ce qui constitue une limite bien connue de ce système de recensement.
Parmi les accidents sans dommages corporels, les districts ou les organisations environnementales transmettent toutefois les informations à la Direction des études environnementales et paysagères du SPW MI.
En réponse, des dispositifs réfléchissants lumineux sont installés le long de certaines routes régionales afin d’effrayer la faune et la dissuader de traverser la chaussée, voire l’établissement d’obstacles physiques tels que des clôtures.
Réplique de N. Janssen. – Merci beaucoup, Monsieur le Ministre, pour les statistiques et les chiffres que vous avez fournis. J’ai bien noté à la fois que certains relevés des dispositifs étaient en cours, qu’une étude a été menée sur l’efficacité des différents écoducs mis en place, qu’une réflexion était aussi menée – ou des analyses – dans le cadre des projets LIFE européens.
J’ai bien noté que cela contribuait à établir une forme de monitoring de l’ensemble de ces écoducs, mais qu’il n’y a pas encore réellement de stratégie ou de véritable monitoring systématisé. Je pense que l’on serait tous gagnants si cela pouvait être mis en œuvre et systématisé.