QO 28/02/23 à la Ministre Désir : Balises de l’approche «Éveil aux langues»
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Question (Nicolas Janssen). – Depuis trois ans, l’éveil aux langues, prévu dans la Déclaration de politique communautaire (DPC), fait partie du programme de l’enseignement maternel, ainsi que des première et deuxième années de l’enseignement primaire. Le titulaire doit désormais élaborer des activités pédagogiques afin de permettre aux enfants de découvrir, explorer et comparer de nombreuses langues différentes. Si l’enseignant ne doit pas parler toutes ces langues pour dispenser ce cours, il doit cependant connaître les balises pour pratiquer l’éveil aux langues. Plusieurs plateformes en ligne existent déjà pour accompagner les enseignants dans ce nouveau programme, comme le portail e-classe et www.salle-desprofs.be qui présentent des pistes ou des activités pédagogiques pertinentes pour travailler l’éveil aux langues. Durant mes visites au sein des écoles, j’ai cependant constaté de nombreux questionnements et énormément de critiques vis-à-vis de ce cours. Beaucoup déplorent la disparition du cours de néerlandais avant la troisième année de l’enseignement primaire, ce qui, en soi, constitue un sujet à part entière. D’autres pointent la dimension très superficielle de ce cours ainsi que le manque de formation pour dispenser ces 50 minutes par semaine. Madame la Ministre, trois ans après l’instauration de l’éveil aux langues, quelles sont vos convictions et opinions en la matière ? Que pensez-vous des préoccupations formulées ? Qu’y répondez-vous ? Quel est le processus de formation obligatoire à ce cours ? Combien d’enseignants ont-ils déjà été formés à cette approche ? Existe-t-il des balises sur le nombre de langues à explorer durant les années d’éveil aux langues ? Combien de périodes de 50 minutes sont-elles prévues pour l’éveil à une langue ? Par ailleurs, le site www.enseignement.be mentionne également un portfolio afin de «valoriser le parcours d’apprentissage de l’apprenant». Cet instrument est-il obligatoire ? Doit-il être rempli par le titulaire du cours ou par l’élève ? Ce portfolio contient également des tableaux à remplir, divisés selon les niveaux de langue du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Ces niveaux de langue sont-ils vraiment adaptés pour l’éveil aux langues qui prévoit plutôt «une prise de conscience générale de phénomènes langagiers» ? Est-il prévu que les élèves atteignent un niveau de langue dans ce cadre à la fin de la deuxième année de l’enseignement primaire ? Enfin, une autre critique, régulièrement entendue à ce sujet, porte sur la nécessité de mener ce cours d’éveil aux langues dans les écoles qui pratiquent l’immersion. Qu’est-ce qui justifie cette disposition pour ces écoles, sachant que, pour qu’un enfant puisse s’exprimer couramment dans deux langues ou plus, il avoir l’occasion de les entendre et parler de façon équilibrée ? N’y a-t-il pas lieu de prévoir des ajustements pour les écoles pratiquant l’immersion ?
Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation. – Je n’ai pas rencontré les représentants de cette pétition en ligne, mais j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer plusieurs reprises auprès des écoles et des communes qui organisent un apprentissage des langues dès la maternelle. Interpellée à ce sujet le 13 septembre 2022, j’avais déjà indiqué que le Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire supprime la faculté d’organiser un cours de langue avant la troisième année de primaire. En effet, le tronc commun prévoit l’organisation d’une période hebdomadaire d’éveil aux langues dans la grille horaire indicative des élèves de maternelle et durant les deux premières années de l’enseignement primaire. Ensuite et dès 2023-2024, l’apprentissage de la première langue moderne démarrera en troisième année primaire partout en Fédération Wallonie-Bruxelles. Dans ce contexte de réforme généralisée et moyennant le respect des balises inscrites dans le Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire, la liberté pédagogique des pouvoirs organisateurs peut pleinement s’affirmer, y compris dans le contexte de l’éveil aux langues. Ce contexte est particulier puisque le document y relatif ne constitue pas un référentiel à proprement parler. Madame et Monsieur les Députés, l’impression de superficialité dont vous vous faites les relais est alimentée par une comparaison inadéquate entre, d’une part, les référentiels et, d’autre part, le document ressource qui est mis à la disposition des équipes pédagogiques pour dispenser les cours d’éveil aux langues, mais qu’il n’est pas obligatoire de suivre. Ce document est un moyen de support. Dès lors, le portfolio que vous mentionnez ne constitue pas un instrument d’évaluation contraignant. Son utilisation est référencée sur www.enseignement.be dans la mesure où le statut de l’éveil aux langues ne rend pas cette matière propice à une évaluation sommative. D’autres outils peuvent tenir compte des spécificités de ce cours, comme en attestent la diversité des ressources disponibles sur le portail e-classe. Il n’existe dès lors pas de formation obligatoire à l’éveil aux langues. La brochure dédiée a été présentée et utilisée lors des formations supplémentaires sur le tronc commun. L’Institut interréseaux de la formation professionnelle continue (IFPC) propose également une formation spécifique: cette année, neuf sessions sont prévues pour un total de 159 inscrits; l’année dernière, onze sessions ont été organisées pour un total de 170 inscrits. En tout état de cause, ce cours ne peut constituer un cours de langue au sensstricte. Il n’est donc pas prévu d’atteindre un niveau de langue particulier au terme de la deuxième année de primaire. Néanmoins – et vous pouvez relayer cette information à tous vos interlocuteurs –, les écoles peuvent choisir de mettre l’accent sur l’une ou l’autre langue à condition qu’elles abordent également une diversité de sons et de cultures.Dans le cadre de la liberté pédagogique du pouvoir organisateur, rien n’empêche non plus qu’un membre du personnel rémunéré par un pouvoir organisateur vienne appuyer les activités d’éveil aux langues pour leur donner une ampleur plus importante. En outre, il n’y a pas de contre-indication à dispenser les cours d’éveil aux langues dans le cadre d’un enseignement en immersion linguistique. Bien au contraire! Dans un premier temps, l’idée est bien de faire prendre conscience de la diversité langagière et culturelle, que l’élève pourra consolider dans un second temps à travers un parcours immersif. Enfin, j’ai commandité une mission d’évaluation du Service général de l’inspection (SGI) au sujet du déploiement et de la mise en œuvre du référentiel des compétences initiales et de l’éveil aux langues. Les résultats de ce premier monitoring me parviendront à la fin de cette année civile. Quant aux projections de recrutement des professeurs de langues modernes, qui ne concernent donc pas le cours d’éveil aux langues, je répète qu’il sera nécessaire de recruter 373 équivalents temps plein (ETP) d’ici la prochaine année scolaire afin de pouvoir généraliser de l’apprentissage de la première langue moderne dès la troisième année primaire. Diverses initiatives ont été adoptées ou sont en cours d’adoption, afin de lutter contre le phénomène de pénurie de professeurs de langues. Nous avons déjà eu l’occasion de faire le point à ce sujet.
Réplique de N. Janssen. – Madame la Ministre, je vous remercie pour ces clarifications. À vous entendre, je me demande s’il n’y a pas une forme de malentendu et, dès lors, si vous ne devez pas envoyer une circulaire pour préciser un certain nombre de points. Vous dites que les écoles peuvent mettre l’accent sur l’apprentissage d’une langue; pour ma part, à entendre les écoles, j’ai l’impression qu’elles ont tendance à considérer que le système actuel est devenu trop contraignant. Pourtant, ce n’est visiblement pas le cas. Pour l’instant, je n’ai pas de solution à proposer. Je n’hésiterai pas à relayer vos réponses auprès des directions qui m’ont contacté. D’une certaine manière, vos propos sont une bonne nouvelle. Par ailleurs, je serai intéressé de prendre connaissance des résultats de l’évaluation qui est attendue pour la fin de l’année 2023.