QO 28/02/23 à la Ministre Désir : Évolution rapide de ChatGPT et son impact sur l’enseignement
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Question (Nicolas Janssen). – ChatGPT, l’intelligence artificielle capable de rédiger des lettres de motivation, des dissertations, des poésies, des blagues et même des questions parlementaires, a fait l’événement ces derniers mois. Selon divers rapports, il s’agit de l’application qui connaît la croissance la plus rapide, avec 100 millions d’utilisateurs actifs en un peu plus de deux mois seulement. Comme toute nouvelle technologie, ChatGPT peut être utilisée à mauvais escient et avoir de nombreuses implications négatives telles que la perte de l’esprit critique et un plus grand suivi de fake news. Selon l’Artificial Intelligence Act, un projet de réglementation européen pour catégoriser l’intelligence artificielle selon quatre types de risques, ChatGPT pourrait se classer au troisième stade, ce qui équivaut à un risque élevé. Ce nouvel outil numérique pose une série de problèmes dans l’enseignement également. De nombreux témoignages, publiés par les médias ces dernières semaines, mettent en exergue des cas de tricherie et de plagiat quasiment indétectables dans les travaux scolaires. Dans des pays comme l’Australie, la Grande-Bretagne et l’Inde, l’utilisation de ChatGPT a été interdite dans l’enceinte des établissements scolaires pour éviter les dérives. En Fédération Wallonie-Bruxelles, aucune mesure de réglementation n’a encore été prise, voire envisagée. S’il est vrai que nous ne pouvons éviter ou ralentir ce tournant technologique, nous devons en évaluer les risques et mettre en œuvre des politiques adaptées. À l’heure actuelle, si certains enseignants sont capables de détecter des travaux générés par l’intelligence artificielle, d’autres se sentent démunis face à ce nouvel outil. Il suffit de se rendre sur le site www.neoprofs.org pour se rendre compte de leur désarroi. Par ailleurs, ChatGPT emmagasine les savoirs et s’améliore continuellement. S’il est encore possible aujourd’hui de remarquer le style rédactionnel de cet outil, qu’en sera-t-il demain? Madame la Ministre, vous avez annoncé, il y a quelques semaines, le lancement d’une analyse sur les conséquences de ChatGPT. Est-elle en cours ? Avez-vous rencontré des acteurs de l’enseignement à ce sujet ? Dans l’affirmative, qu’en est-il ressorti ? Est-il envisageable d’intégrer une formation sur l’intelligence artificielle dans la formation initiale des enseignants (FIE) au vu de la vitesse avec laquelle ce logiciel et d’autres du même type évoluent ? Comment réglementer cet outil numérique de manière raisonnée et raisonnable pour empêcher les dérives et l’intégrer comme support aux apprentissages tout en assurant le développement de l’esprit critique et la créativité des jeunes ?
Mme Caroline Désir, ministre de l’Éducation. – La question des nouvelles technologies demande une attention particulière afin d’outiller au mieux les équipes éducatives, mais elle ne date pas d’hier. Depuis 2015, le Service général du numérique éducatif (SGNE) développe des ressources, des outils et des supports concernant l’intégration du numérique dans l’apprentissage. À ce titre, le SGNE assure une veille technopédagogique et se tient informé des évolutions technologiques qui peuvent toucher l’enseignement. Dans le domaine de l’intelligence artificielle en particulier, plusieurs projets sont en cours de développement: tout d’abord, l’analyse d’impact des intelligences artificielles telles que ChatGPT sur notre système éducatif; ensuite, la réalisation d’une publication fournie relative à l’intelligence artificielle et visant à informer les équipes éducatives sur les concepts et réalités que recouvre cette notion, à contextualiser ses enjeux et à fournir des balises et des suggestions sur son utilisation dans la sphère éducative. Toutes ces réflexions tiennent compte des travaux réalisés par les institutions européennes, tel que le Plan national de convergence pour le développement de l’intelligence artificielle. J’ai par ailleurs invité mes services à ouvrir une discussion sur ces aspects dans le cadre de la Commission de pilotage du système éducatif. Sur des enjeux aussi essentiels, il est indispensable de débattre avec les personnes concernées et de viser l’obtention d’un consensus quant à l’orientation à prendre. Concernant l’utilisation des robots, il existe des projets pédagogiques qui utilisent des robots humanoïdes ou des assistants virtuels. Le SGNE accompagne les établissements d’enseignement de promotion sociale et d’enseignement supérieur dans la mise en œuvre de leurs objectifs de stratégie numérique. Dans ce cadre, des expériences intégrant des technologies émergentes, dont les robots, existent également. La Région wallonne lance chaque année des appels à projets pour équiper les écoles en outils numériques, dont les robots tels que Thymio. Il en ressort des retours positifs, notamment l’acquisition de compétences de programmation. Dans le cadre du nouveau référentiel de formation manuelle, technique, technologique et numérique, il est prévu, dès la cinquième année primaire, d’enseigner la programmation. Pour soutenir les enseignants dans ces nouveaux apprentissages, des formations d’apprentissage du codage sont déjà disponibles à l’Institut interréseaux de la formation professionnelle continue (IFPC). Enfin, les conseillers technopédagogiques ont pour mission de soutenir les enseignants dans le cadre de leurs projets pédagogiques intégrant des outils numériques.
Réplique de N. Janssen. – Madame la ministre, nous sommes pleinement convaincus par votre volonté de définir une ligne de conduite, de veiller à outiller au mieux les équipes éducatives et de remplir ce rôle de veille technopédagogique. J’espérais obtenir quelques éclaircissements quant au temps imparti pour les conclusions des différentes études et des réflexions en cours. Quand on voit les décisions qui ont été prises dans certaines régions et dans certains pays, on se rend compte qu’il y a une relative urgence et une nécessité de se positionner. Pourtant, la réalité est préoccupante: ChatGPT posséderait environ 175 milliards de paramètres, ce qui lui permet d’emmagasiner une quantité de savoir astronomique et, très rapidement, on ne parviendra plus à identifier les erreurs de cette application, son style rédactionnel robotique ou sa manière de collecter de l’information. S’il est déjà bien d’avoir démarré des réflexions à ce sujet, je pense qu’il faut répondre rapidement aux inquiétudes.