QO 30/05/23 au Ministre Collignon : Le patrimoine locatif énergivore et la garantie d’accès au logement
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, la rénovation énergétique du patrimoine locatif est déterminante pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le plan Air-Climat-Énergie, récemment adopté en seconde lecture par le Gouvernement, impose une obligation de rénovation du patrimoine locatif et interdit progressivement la mise en location des biens immobiliers de classes énergétiques les plus basses. Ce type de mesure, déjà d’application en France, montre que certaines passoires énergétiques à vendre qui nécessitent une rénovation conséquente ne trouvent pas preneur en raison des investissements trop importants. Certains chiffres ont largement circulé en la matière. À titre d’exemple, je reprendrai le fait que près de 10 % des logements en région parisienne deviendraient inlouables en 2025, soit près de 560 000 logements d’après certaines estimations faites. Selon celles-ci, les projections montrent qu’en 2034 près de 40 à 45 % des logements suivraient le même parcours d’ici à peine plus de dix ans. Par conséquent, comment pouvez-vous garantir ou tenter de soutenir que ces rénovations énergétiques obligatoires ne compliquent pas davantage l’accès au logement locatif ? Quelles solutions pensez-vous avancer pour éviter un tel scénario à la française ? En dehors d’une augmentation substantielle des montants et l’optimisation des règles d’octroi des prêts à taux zéro et des primes pour la rénovation, les propriétaires ne disposant pas des moyens nécessaires à ces rénovations sont relativement peu pris en compte. Pourquoi ? Comment pourrait-on faire pour agir différemment ? Comment travaillez-vous de concert avec le ministre Henry ? Que peut-on faire pour encourager la rénovation énergétique de ce patrimoine locatif le plus énergivore, tout en veillant à impacter au minimum le marché des logements et les loyers à terme ? Je vous remercie.
M. Collignon, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville. – Monsieur le Député, merci pour votre question. Tout d’abord, il est indéniable que la problématique des passoires énergétiques constitue un défi fondamental pour la Wallonie et un véritable combat social. En dehors des prêts à taux zéro et des primes pour la rénovation, les propriétaires disposant de peu de moyens pour réaliser la rénovation de leur bâtiment peuvent également bénéficier d’aides régionales via le Fonds du logement de Wallonie, en confiant leur bien à une AIS ou encore à une association de promotion du logement. Dans ce cas, les bailleurs peuvent obtenir, en sus du prêt à taux zéro pour des travaux relatifs à l’amélioration de la performance énergétique du logement, des subventions directes. Le plafond d’intervention est fixé à 75 500 euros, prêt et subvention confondus, et se décline selon un ratio de 75 % de prêt et 25 % de subvention. Ce ratio est inversé pour tout logement de 3 chambres et plus. Près de 1 000 logements ont déjà pu être rénovés par le biais de ces aides. D’autres mécanismes, tels que les mécaniques de rénovation par quartier ou encore des prises en gestion publique, devront probablement venir en soutien aux mesures existantes afin de booster encore un peu plus la rénovation du parc locatif privé. Par ailleurs, dans le cadre de l’alliance Climat-Emploi-Rénovation, diverses pistes pour mieux cibler ces propriétaires moins nantis sont débattues lors de groupes de travail auxquels les membres de mon cabinet sont évidemment conviés. Pour ce qui est de veiller à la réduction de l’impact sur les loyers, il me semble important de rappeler que pour bénéficier des primes ou des prêts à taux zéro mis en place par la Région wallonne, tout bailleur est tenu de respecter pendant une durée d’au moins cinq ans la grille indicative des loyers. Ainsi, les travaux de rénovation réalisés avec l’aide de la Région ne pourront conduire à l’application d’un nouveau loyer trop important. L’adoption par le Gouvernement wallon du Plan Air-Climat-Énergie est l’occasion d’amplifier encore l’action de la Wallonie à l’encontre de ces passoires énergétiques. À cet égard, suite à la mise à jour de la Stratégie wallonne de rénovation énergétique à long terme du bâtiment, une réflexion importante a été menée par mes soins et l’ensemble du Gouvernement lors de l’élaboration du plan Air-Climat. Cette réflexion a abouti à l’action 381 qui impose l’instauration de normes de performance énergétique obligatoires, à charge des propriétaires, afin de pouvoir louer un bien via un bail de résidence principale. Différents délais sont prévus dans le PACE afin de rendre progressivement effective cette obligation. Ainsi le timing défini sera, pour les biens mis en location pour la première fois par leur propriétaire – estimation : de l’ordre de 3000/an tous labels confondus – :
- à partir du 1er janvier 2025, ils devront au minimum être de label F ;
- à partir du 1er octobre 2028, ils devront au minimum être de label E ;
- à partir du 1er octobre 2031, ils devront au minimum être de label D ;
- à partir du 01/10/2034, ils devront au minimum être de label C.
Pour les biens qui sont déjà en location et en cas de changement de locataire – estimation de l’ordre de 30 000 biens concernés annuellement – :
- à partir du 1er janvier 2027, le niveau minimum F sera exigé ;
- à partir de 2030, le niveau minimum E sera exigé ;
- à partir de 2033, le niveau minimum D sera exigé ;
- à partir de 2036, le niveau minimum C sera exigé.
Ces exigences sont à opérationnaliser après consultation du secteur. De même, cette transition sera accompagnée par une orientation des mécanismes de financement portés par la Région. Dès lors, le Gouvernement augmentera substantiellement les montants et optimisera les règles d’octroi des prêts à taux zéro et des primes pour la rénovation et les économies d’énergie dans les logements. Une attention particulière sera accordée aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés tout en veillant à avoir un impact neutre sur le loyer. Enfin, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer à plusieurs reprises, je suis personnellement favorable à la mise en place, à moyenne échéance, d’un système contraignant d’encadrement des loyers, qui constitue pour moi, le seul outil permettant d’assurer sur le long terme l’accessibilité des logements pour tous.
Réplique de N. Janssen. – Comme vous l’avez dit, il s’agit réellement d’un défi fondamental pour la Wallonie. Merci d’avoir retracé les différents éléments qui permettraient d’atteindre cet équilibre subtil entre les responsabilités des propriétaires et des locataires et d’arriver à atteindre aussi bien les objectifs climatiques voulus que les objectifs sociaux recherchés. Merci pour ces réponses.