QO 30/05/23 au Ministre Henry : Le soutien à la filière cimentière wallonne dans la transition vers une industrie décarbonée
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Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, les cimentiers wallons font face aujourd’hui à un certain nombre de défis qu’ils doivent relever dans le contexte de la transition climatique. À l’heure actuelle, le secteur du ciment est responsable d’environ 3 % des émissions belges de CO2 : 31 % des émissions wallonnes proviennent de l’industrie et 60 % de ces émissions se font dans quelques sites qui produisent du ciment et de la chaux. Ainsi, en ciblant certains sites industriels, il est possible de réaliser une diminution significative de nos émissions de gaz à effet de serre. Alors que la nécessité de soutenir une production décarbonée se fait de plus en plus pressante, ces cimentiers font face à une concurrence étrangère qui propose des produits carbonés à des prix plus bas. En effet, la décarbonation de ce secteur est coûteuse et il y aura inévitablement une hausse du prix de vente de ces produits décarbonés. Afin de les soutenir dans cette transition, il est essentiel de trouver des solutions alternatives aux nouveaux subsides et à la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, telles que l’introduction d’une obligation d’un pourcentage de ciment décarboné dans les constructions, l’exemplarité des pouvoirs publics dans leurs choix de matériaux, et d’autres mesures similaires. Ces actions favoriseraient une production locale décarbonée et contribueraient à créer un environnement favorable à la lutte contre le changement climatique tout en maintenant la compétitivité de nos cimentiers wallons. Quelle est votre position quant à l’importance de soutenir l’industrie cimentière wallonne dans la transition vers une économie plus verte et plus durable ? Afin d’atteindre l’objectif d’une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 tout en répondant à l’ajout d’une obligation de réduction exemplaire de la consommation finale de tous les pouvoirs publics, tous usages confondus, allant bien au-delà de la seule rénovation de leurs bâtiments, pourquoi n’envisagez-vous pas davantage l’exemplarité des pouvoirs publics en tant que moyen de soutien à l’industrie cimentière wallonne ? Quelles sont les raisons que vous invoquez pour ne pas imposer un pourcentage de ciment décarboné dans la construction ?
M. Philippe Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – Monsieur le Député, la décarbonation et la transition durable de nos entreprises sont très importantes dans l’optique d’atteindre les différents engagements européens et internationaux pris par la Belgique et la Wallonie en matière d’énergie et de climat. Les secteurs cimentier et chaufourniers constituent des poids lourds dans l’ensemble des émissions industrielles de la Wallonie. En 2022, les émissions des secteurs de la chaux et du ciment représentaient 59 % des émissions industrielles couvertes par le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ETS) en Wallonie. Les scénarios européens identifient différents leviers clés pour décarboner l’industrie, dont certainement la capture et le stockage ou l’utilisation du CO2 pour les cimentiers. Le prix du carbone actuel, bien que déjà élevé – 90 euros par tonne de CO2 – n’est cependant pas encore suffisant pour conduire à de tels investissements sans soutien financier additionnel. Néanmoins, le Green Deal, avec notamment la réforme de la directive ETS qui relève le niveau d’ambition de l’objectif de réduction des émissions ETS à l’horizon 2030, donne un signal très clair qui encourage fortement le secteur à envisager dans le court à moyen terme des solutions crédibles pour réduire drastiquement ses émissions. Plusieurs mécanismes sont prévus afin que les prix sur le carbone en Europe ne mènent pas à des délocalisations massives en dehors des frontières de l’Union. Ainsi, l’industrie peut bénéficier de quotas gratuits selon des référentiels déterminés au niveau européen. Ce mécanisme sera progressivement remplacé pour certains secteurs, dont le secteur du ciment, par un mécanisme de marché qui induira un prix sur le carbone des produits importés : le CBAM. La Wallonie fait donc face à une multitude d’enjeux sur la thématique de la transition bas carbone et devrait notamment mettre sur pied des soutiens publics encourageant l’abandon des énergies fossiles et favorisant l’adoption d’innovations technologiques bas-carbone. Par ailleurs, je note que d’importants soutiens financiers existent déjà au niveau européen, tels que le Fonds d’innovation dédié à ce type de technologie. Une aide de la Région pour faciliter l’accès de nos entreprises à ces aides européennes pourrait donc également être mise en place. C’est une réflexion que le gouvernement wallon était en train de mener, notamment dans le cadre des accords volontaires de troisième génération.
Réplique de N. Janssen. – Merci, Monsieur le Ministre, pour l’ensemble de ces éléments de réponse. Il y a toutefois un élément sur lequel vous n’avez pas répondu. Je me permets donc d’y revenir ; c’est la question de l’exemplarité des pouvoirs publics et d’une imposition qu’on pourrait faire sur un certain pourcentage de ciment décarboné dans la construction. Il me semble que c’est une voie choisie par un certain nombre de pays. Elle pourrait s’avérer utile chez nous également.