QO 30/05/23 au Ministre Henry : L’évaluation des éventuelles retombées positives en lien avec le développement de l’hydrogène vert en Wallonie
-
Question (Nicolas Janssen). – Monsieur le Ministre, je m’adresse à vous concernant le développement d’une filière de production d’hydrogène vert en Wallonie. On connaît les bienfaits du développement d’une telle filière, notamment sur le plan environnemental. De plus, un tel développement en Wallonie aurait des retombées significatives en termes économiques et de création d’emplois, comme le démontre l’exemple du groupe liégeois John Cockerill qui, avec les Français de Technip Energies, annonce la création de Rely, un joint venture dédié à l’hydrogène vert. L’objectif derrière ce projet est de devenir le one-stop shop de référence européen et de dépasser 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2030. L’ambition est là, elle est annoncée. Il offrirait également des perspectives intéressantes pour la diversification de notre mix énergétique en utilisant l’hydrogène comme vecteur énergétique. Nous pourrions développer des solutions de stockage à grande échelle, contribuant ainsi à la gestion des fluctuations de la production d’énergie renouvelable. Le développement d’une filière hydrogène sur le territoire wallon est inscrit dans la DPR et dans le Plan de relance régional. Dans ce cadre, la Wallonie apporte son soutien à différents projets avec l’aide financière de la Commission européenne et de la Banque européenne d’investissement. Toutefois, pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi, semble-t-il, de davantage mettre l’accent sur des projets de production de carburants synthétiques plutôt que sur les projets de production d’hydrogène vert en Wallonie ? Quels sont les critères ou les considérations qui ont conduit à cette décision ? Comme le démontre l’exemple du groupe liégeois John Cockerill, avez-vous suffisamment estimé le potentiel de production d’hydrogène vert en Wallonie et les avantages qu’il pourrait offrir en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement économique et de création d’emplois ? Des initiatives telles que la déclaration d’intérêt baptisée « The Francorchamps Hydrogen Initiative » vont-elles, à votre estime, se généraliser ?
M. Philippe Henry, Ministre du Climat, de l’Énergie, de la Mobilité et des Infrastructures. – Monsieur le Député, le développement d’une filière de production d’hydrogène vert en Wallonie constitue, bien entendu, un enjeu crucial. L’hydrogène vert doit en effet permettre de faciliter la décarbonation de certains secteurs, tels des secteurs industriels gros émetteurs de CO2 ou le transport lourd de marchandises. À cet égard, j’ai activement participé à l’initiative hydrogène portée par le cluster TWEED qui vise le développement de l’économie de l’hydrogène propre au niveau transfrontalier Euregio Meuse-Rhin. D’autres écosystèmes économiques pourraient également se mobiliser, comme vous le suggérez, pour stimuler le développement de la filière à leur échelle. La mise en place et le développement de la filière hydrogène auront de nombreux impacts sur la société wallonne : au niveau de la réduction des gaz à effet de serre, évidemment, mais aussi de la création de nouvelles compétences, d’emplois, de développement de technologies de pointe et de l’émergence d’entreprises productrices d’éléments indispensables à cette filière. Tel est notamment le cas des électrolyseurs au niveau de la production d’hydrogène. Pour pouvoir s’engager dans cette voie, le Gouvernement wallon a besoin d’un cadre d’action cohérent, actuellement en cours d’élaboration. Ce 24 mai, a d’ailleurs eu lieu une journée de concertation avec près d’une cinquantaine de parties prenantes actives dans ce domaine, afin d’échanger sur ce que devrait être la vision de la Wallonie en matière d’hydrogène aux horizons 2030 et 2050 et sur les objectifs stratégiques qui devraient la constituer. La proposition finalisée issue de leurs réflexions sera soumise pour validation au Gouvernement à l’été 2023. Ce qui vous apparaît donc comme un choix du Gouvernement wallon de davantage mettre l’accent sur des projets de production de carburants synthétiques, plutôt que sur des projets de production d’hydrogène vert en Wallonie, n’est en fait qu’une question d’agenda. Pour diverses raisons, notamment liées aux degrés de complexité respectifs, le dossier des carburants synthétiques a pu avancer plus vite jusqu’à présent que le dossier de l’hydrogène. Cela ne reflète toutefois pas une volonté de priorisation. La mise en place du Plan stratégique wallon pour l’hydrogène permettra, entre autres, d’affiner le potentiel de production d’hydrogène vert en Wallonie, étroitement lié à la disponibilité en électricité verte. Or, efficacité énergétique oblige, l’électricité verte produite en Wallonie sera prioritairement affectée à son utilisation dans des applications directes. Seul le surplus pourra être utilisé pour fabriquer de l’hydrogène vert. Des études complémentaires permettront d’identifier les meilleures pistes pour disposer de l’électricité verte aux fins de fabrication d’hydrogène vert. Il est cependant indispensable de garder à l’esprit que l’hydrogène vert reste, pour l’instant, coûteux à fabriquer, tant financièrement qu’énergétiquement. Le choix de l’utilisation de l’hydrogène vert doit donc être mûrement réfléchi. Cet impératif nuance la place de l’hydrogène vert dans notre mix énergétique, même si, comme je l’ai dit, c’est un sujet de recherche et d’investigation qui reste tout à fait central.
Réplique de N. Janssen. – Merci, Monsieur le Ministre, d’avoir d’abord rappelé l’importance que vous accordez à cette filière et d’avoir précisé qu’il s’agissait davantage d’une question d’agenda que de choix. Concernant l’agenda, il est par ailleurs vrai qu’il y a une réelle urgence. Un certain nombre d’entreprises sont occupées à se positionner en la matière en Europe. Je comprends la difficulté de faire ces choix et la dimension budgétaire que vous évoquiez.