QO 31/01/23 à la Ministre Tellier : La prévention des dégâts dus aux corvidés
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Question (Nicolas Janssen). – Madame la Ministre, je vous avais fait part, lors d’une précédente question, des inquiétudes que m’ont communiquées agriculteurs, maraîchers, riverains, conseils cynégétiques et autres défenseurs de la biodiversité quant aux dégâts occasionnés par les corvidés sur les cultures et sur la petite faune des plaines qui sont, comme on le sait, en souffrance, et en mauvais état de conservation. La prédation et la destruction de nids et de nichées par les corvidés contribuent en effet à la raréfaction de certaines espèces comme le bruant proyer, la perdrix grise ou la caille des blés. La situation n’est cependant pas nouvelle. En 2009 déjà, dans les instructions relatives à la destruction des pies et des corneilles du Service public de Wallonie, ce dernier attestait de garanties jugées suffisantes pour satisfaire aux dispositions de l’article 9 relatif aux dérogations de la directive « Oiseaux ». Or, en 10 ans, selon les chiffres du Lifewatch de l’UCL, la population de corneilles noires a augmenté de 12 % ; celle de la pie bavarde de 14 %, celle du corbeau freux de 96 % et celle des choucas de 150 %. Ces statistiques dont nous avons pris connaissance récemment parlent d’elles-mêmes. Des démarches à leur égard sont pourtant devenues plus fastidieuses, le délai annoncé de réponse à une demande de dérogation étant de trois mois, ou un mois si urgence motivée, pour les corvidés, alors qu’à titre d’exemple elle est de 24 heures seulement pour les sangliers. Un semis attaqué par les corvidés ne nécessite-t-il pas une réponse plus rapide ? Force est de constater que les actions de prévention proposées ne sont pas suffisantes et sont dans certains cas incohérentes, quand il s’agit – comme dans le cas de Thuin – d’installer des canons à gaz dans les rues des villages dans le but d’effrayer ces espèces ; ou encore d’utiliser des pistolets laser, des drones, des oiseaux de proie légalement détenus, des moyens acoustiques ou d’éclairage à basse tension. Ce type d’action a non seulement peu d’effets sur les espèces visées, mais cause des dégâts à d’autres espèces et procure des nuisances sonores aux riverains qui entendent des tirs de canon parfois tout au long de la journée, du lever au coucher du soleil. En juillet 2021, vous évoquiez déjà une procédure simplifiée. En octobre 2022, vous aviez précisé que des consultations étaient en cours avec les différentes parties prenantes afin de dégager des pistes de solution qui permettraient une réponse plus rapide que la procédure dérogatoire, qui est relativement longue et fastidieuse actuellement. Madame la Ministre, la saison des semis approche, celle de l’éclosion des nids et d’autres nichées aussi. Afin d’anticiper une situation qui pourrait se révéler problématique d’ici quelques mois, quelles mesures concrètes ont été mises en place ? La simplification de la procédure administrative est-elle aujourd’hui effective ? En quoi consiste-t-elle ?
Réponse de Mme Tellier, Ministre de l’Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal. – Monsieur le Député, le délai de trois mois que vous évoquez dans votre question est un délai maximum de traitement légalement prévu dans l’arrêté du Gouvernement du 27 novembre 2003, et non un délai habituel de réponse à une demande de dérogation. La majorité des demandes est traitée dans des délais plus courts, entre 15 jours et un mois. Je tiens aussi à souligner, comme le rapporte mon administration, que l’allongement des délais de traitement provient souvent malheureusement de l’incomplétude de nombreuses demandes. La simplification légale de la procédure nécessite la révision de la loi sur la conservation de la nature. De nombreux autres points sont à discuter dans le cadre de cette révision qui traite de bien d’autres enjeux, ce qui explique qu’elle soit encore en cours d’élaboration. En attendant, comme je suis consciente de la nécessité d’agir notamment pour nos agriculteurs, d’autres pistes ont été discutées et sont mises en place pour simplifier la procédure. Premièrement, la section nature du bureau de ruralité du CESE a accepté de poursuivre sa remise d’avis « corvidés » sur la base d’une consultation électronique. Deuxièmement, les dérogations pour motif agricole peuvent être introduites de manière anticipée. De cette façon, le délai de traitement est moins crucial pour le devenir des cultures concernées. La possibilité d’introduire une dérogation collective pour motif de dommages agricoles pour un territoire donné est également en cours de mise en œuvre avec les parties prenantes, notamment les représentants du monde agricole. L’octroi de la dérogation serait assorti d’un système de notification activant la possibilité de mise en œuvre localement dès l’apparition des premiers dégâts. La procédure mise en place devrait permettre aux agriculteurs ayant anticipé ce risque de disposer d’une dérogation dès l’apparition des premiers problèmes sur le terrain.
Réplique de N. Janssen. – Merci, Madame la Ministre, pour ces éléments de réponse. Concernant les trois mois maximum, d’après les retours que j’ai obtenus, malheureusement, ils correspondent davantage au délai habituel, mais je suis tout prêt à vérifier encore ce qu’il en est. Je suis ravi d’entendre qu’une simplification est prévue, notamment dans le sens de la consultation électronique et de la procédure anticipée que vous avez évoquée. Je pense aussi que l’on ne doit pas oublier la disparité des propriétaires soumis à cette obligation. Pour certains, les dossiers à remplir sont réellement chronophages, lourds administrativement, parfois relativement complexes, surtout pour des personnes qui n’en auraient pas l’habitude, qui ne sont pas familières avec ce type de démarche et qui, dès lors, perdent un temps parfois précieux pour répondre aux besoins et à l’urgence en cours.