QOs 13/11/25 à la Ministre Neven : l’avancement de la stratégie intervectorielle dans le contexte de la réindustrialisation de la Wallonie/ les enjeux énergétiques pour la réindustrialisation de la Wallonie
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Questions (Nicolas Janssen). – Madame la Ministre, l’industrie durable doit redevenir une priorité absolue en Wallonie comme en Europe. Elle constitue le socle de notre modèle économique, social et démocratique. Sans une base industrielle solide, il n’y a ni prospérité durable, ni services publics performants, ni souveraineté réelle. La réindustrialisation durable de la Wallonie est donc une condition essentielle pour garantir notre indépendance, soutenir la décarbonation et renforcer l’emploi.
Votre engagement constant, Madame la Ministre, en faveur d’une transition écologique efficace et concertée entre les différents niveaux de pouvoir, mérite d’être salué. La mise en place d’une stratégie intervectorielle constitue à cet égard un chantier essentiel pour assurer la cohérence des politiques énergétiques et de climat et pour renforcer la résilience de notre système face au défi de la décarbonation.
Pourriez-vous, Madame la Ministre, faire le point sur l’avancement de ce travail de stratégie intervectorielle ? Quelles étapes ont déjà été franchies ? Quelles sont les prochaines échéances prévues ?
Comment les différents acteurs institutionnels, économiques et académiques sont-ils associés à cette démarche ? Y a-t-il des collaborations avec le travail similaire réalisé par le ministre Bihet pour la partie énergétique fédérale ?
Enfin, dans quelle mesure cette stratégie permettra-t-elle de mieux articuler les objectifs de neutralité carbone avec ceux de sécurité d’approvisionnement et de justice sociale ?
J’en viens à ma seconde question.
Madame la Ministre, l’un des défis majeurs pour réussir cette réindustrialisation durable de notre Région est énergétique. L’accès à une énergie abondante et abordable est vital et indispensable. Cette sécurité d’approvisionnement est souvent compromise par :
- des dépendances extérieures ;
- la sous-capacité de la production nationale ;
- des problèmes de transport et d’accès au réseau.
Il n’est possible d’assurer la stabilité de l’économie et de la société que si l’on garantit en amont une production suffisante et stable, et sans un renforcement du réseau. L’abordabilité de l’énergie est réellement la condition sine qua non de la compétitivité industrielle et de la protection du pouvoir d’achat des ménages.
Il faut penser l’avenir énergétique en termes :
- de sécurité d’approvisionnement ;
- de diversité du mix ;
- d’indépendance industrielle à long terme.
En Wallonie, plusieurs chantiers sont aujourd’hui bloqués pour des raisons d’accès à la puissance. Certaines zones sont saturées. Dans plusieurs zonings, il est quasiment impossible de s’implanter ou de s’étendre, faute de capacité disponible sur le réseau.
De manière globale, Madame la Ministre, comment la Wallonie envisage-t-elle ces défis ? Des discussions ont-elles lieu avec le niveau fédéral ?
Vous avez annoncé, Madame la Ministre, la mise en place de deux task forces. Pourriez-vous en détailler le champ d’action ?
Le Gouvernement vient également d’approuver, en deuxième lecture, un décret sur la flexibilité en prélèvement. Pouvez-vous en préciser les contours, notamment au regard de l’enjeu de la réindustrialisation ? Je vous remercie pour vos réponses.
Mme Cécile Neven, Ministre de l’Énergie, du Plan Air-Climat, du Logement et des Aéroports. – Monsieur le Député, je vous rejoins pleinement. La réindustrialisation, mais aussi, plus largement, la préservation et la résilience du tissu économique actuel, tant industriel que des petites et moyennes entreprises, sont essentielles pour l’amélioration de l’emploi et de la prospérité sur notre territoire.
Je vous rejoins aussi quand vous soulignez que l’accès à une énergie abondante, décarbonée et abordable est l’une des conditions sine qua non pour ce redéploiement économique.
C’est à cet effet que j’ai lancé les travaux visant la définition d’une stratégie intervectorielle. Celle-ci est en cours de réalisation. Le travail se poursuit dans le respect de l’échéancier initialement établi, à savoir, une présentation des travaux et des propositions au Gouvernement dans le courant du premier trimestre 2026 pour validation. Cela permettra d’enclencher la phase de rédaction des textes et l’adoption des mesures qui en découlent.
Toute une série de parties prenantes sont consultées ponctuellement sur les volets techniques des travaux menés afin de confronter les premières hypothèses à la réalité de terrain et de tester certaines idées afin de les affiner. Il s’agit d’un processus qui mobilise les acteurs clés en fonction de leur expertise et des besoins des travaux.
Le cabinet du ministre fédéral Mathieu Bihet est bien associé. L’objectif est de faire aboutir les travaux régionaux et de les communiquer au Fédéral pour assurer un alignement des politiques. Les compétences de la Région consistent principalement à soutenir le développement des filières renouvelables sur le territoire régional, alors que le Fédéral est compétent en matière de sécurité d’approvisionnement. C’est en travaillant ensemble que ces compétences permettront à la Wallonie et à la Belgique de relever les défis de la transition énergétique.
Pour ce qui est de la question de l’amélioration de l’articulation, comme je l’ai précisé, les travaux menés actuellement touchent de nombreux aspects de la politique énergétique wallonne.
Ceux-ci visent à définir le mix renouvelable et de décarbonation optimal pour la Wallonie, mais aussi à arrêter une stratégie intervectorielle visant à mettre en œuvre les mesures requises à l’atteinte de ce mix. Ils visent également : la définition de nouveaux mécanismes de soutien financier et non financier au développement desdites filières, la mise en place d’une norme énergétique, la mise en place d’un GRD unique sur le territoire de la Région et la rationalisation du paysage public actif dans le secteur du non régulé.
Ces travaux visent une refondation profonde de la politique énergétique, précisément pour mettre fin à l’approche pratiquée jusqu’ici qui envisageait les enjeux énergétiques en silos et ainsi adopter une vue globale, homogène et efficiente qui tienne compte des limites financières, territoriales et énergétiques de la Région. C’est pour cette raison que je travaille sur tous les chantiers à la fois, tant sur la refondation de la politique énergétique que sur l’adaptation des outils devant permettre sa mise en œuvre. La cohérence et la vision stratégique transversale sont essentielles si l’on souhaite réussir la transition énergétique.
Concernant les problèmes d’accès aux réseaux électriques, j’ai en effet lancé deux task forces. La première – « Accès réseaux » – travaille actuellement à l’établissement et au suivi de la situation du réseau, à la fois poste par poste et projet par projet. La prochaine réunion visera à dresser un premier état des lieux complet de la situation.
La seconde task force – « Puissance et flexibilité énergétique » – poursuit deux objectifs : la réforme du cadre pour le raccordement et la flexibilité, et l’alignement des plans d’investissement des gestionnaires de réseaux avec les besoins actuels et futurs de l’économie wallonne. Ces deux task forces sont étroitement liées aux travaux menés depuis plusieurs mois sur la mise en place d’un cadre pour la flexibilité en prélèvement qui a fait l’objet d’une deuxième lecture début octobre.
Ce texte permettra aux GRD et au GRTL – gestionnaire du réseau de transport local – d’offrir des contrats de raccordement flexibles qui prévoient une réduction temporaire du prélèvement pour certaines unités en cas de congestion.
Cette législation a été pensée pour débloquer les nombreux projets, en ce compris ceux relatifs au stockage, actuellement en attente de raccordement, accélérant ainsi la transition énergétique, tout en évitant la saturation du réseau. Cela permettra à des industries moins flexibles de se raccorder.
Les travaux menés dans la task force « Accès réseaux » permettront de monitorer l’effet de cette réforme, tandis que ceux menés dans la task force « Puissance et flexibilité » viendront compléter ce cadre.
Réplique de N. Janssen. – Merci beaucoup, Madame la Ministre, d’avoir démontré que réindustrialisation et résilience vont de pair. Merci pour les précisions apportées sur la stratégie intervectorielle concernant l’agenda, mais aussi concernant toute une série de piliers de cette stratégie, l’alignement des politiques entre les entités concernées, notamment la dimension mixte renouvelable, la vue globale qui est indispensable.
Par ailleurs, concernant les précisions sur le travail à réaliser par les deux task forces, je suis impatient. Je pense que nous sommes tous impatients de voir les résultats de ces travaux, puis leur concrétisation par la suite.