QOs 21/03/23 à la Ministre Tellier : La composante économique des objectifs de gestion des parcs nationaux de Wallonie; La gouvernance des parcs nationaux wallons
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Question (Nicolas Janssen). – Madame la Ministre, le SPW Environnement définit la forêt wallonne comme « de l’or vert ». Dans la DPR, « le Gouvernement s’engage à préserver le patrimoine naturel exceptionnel qu’est la forêt wallonne, notamment la production de bois de qualité, la biodiversité, son rôle économique, sa santé et ses services écosystémiques ». La DPR souligne aussi que « le Gouvernement continuera à favoriser la gestion de la forêt et la conciliation de ses divers usages dans une optique de durabilité et de satisfaction des besoins de la société ». Lors de l’adoption de la décision relative aux deux parcs nationaux, dont l’objectif premier est de valoriser un patrimoine naturel d’exception à des fins de conservation de la nature et de valorisation touristique, les fonctions de protection de la nature et le tourisme durable ont été clairement définis parmi les objectifs mis en avant. Par contre, la fonction économique semble avoir été moins mise en évidence. Cet objectif manque de clarté et il mériterait d’être mieux précisé. Comment la composante économique a-t-elle été intégrée dans les objectifs de gestion des nouveaux parcs nationaux ? Cette fonction sera-t-elle bien développée dans le cadre d’une multifonctionnalité réelle et équilibrée de la forêt ? Si oui, dans quelle mesure ? Pouvez-vous nous en préciser les contours ? Que prévoient les plans de gestion quant au devenir des parcelles de résineux au sein des deux parcs nationaux ? L’objectif est-il d’enlever tous les résineux et de transformer les passerelles ? Dans l’affirmative, qu’est-il prévu en remplacement ? Est-ce déjà prévu ? Si tel était le cas, les implications sur le réseau économique local seraient tangibles, au risque de mener à la disparition de la fonction économique de la forêt. Elle est également une garantie de revenus à ne pas négliger du fait que les parcs nationaux doivent être autonomes à partir de 2026, et donc générer des revenus. À cet égard, les lignes directrices de l’UICN soulignent qu’une utilisation modérée des ressources naturelles et des aires protégées est bien compatible avec la conservation de la nature. Monsieur le Président, avec votre autorisation, j’en viens alors à ma deuxième question, qui est jointe à la première. Elle porte sur la gouvernance des parcs nationaux wallons.
Madame la Ministre, dans le cadre de la création de parcs nationaux, chacune des deux entités récemment désignées bénéficiera de plus de 14 millions d’euros pour réaliser son parc national. Ces montants, en période de disette budgétaire, sont conséquents. Ils méritent une stratégie de gestion solide et efficace nécessitant une gouvernance claire et transparente. La garantie que chaque parc soit en mesure, dès 2026, de générer ses propres recettes permettant une gestion durable à long terme, est également une condition nécessaire à la réussite de ce projet. Malheureusement, de nombreuses incertitudes demeurent quant à la gestion et à la gouvernance des nouveaux parcs wallons. Selon les lignes directrices de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la qualité de la gouvernance constitue un élément déterminant de la capacité ou de l’incapacité d’une aire protégée à remplir son rôle. Si la gouvernance est défaillante, même si l’on met en place les meilleures stratégies de gestion, les résultats ne seront pas optimaux, voire ils seront médiocres. J’ai reçu un certain retour préoccupé à cet égard. Votre gouvernement garantit-il la mise en place d’une gouvernance claire, lisible et transparente des deux nouveaux parcs nationaux de Wallonie ? Quelle organisation de gouvernance est prévue ? Quelles sont les règles de gouvernance qui s’appliqueront ? Le règlement d’ordre intérieur est-il finalisé ? Si oui, est-il disponible ?
Réponse de Mme Tellier, Ministre de l’Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal. – Monsieur le Député, comme je le répète souvent dans cette assemblée, la biodiversité, c’est l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et ce que nous mangeons. Protéger la biodiversité, c’est donc notre assurance-vie et je suis très fière des nombreuses avancées de la Wallonie en la matière. La création des deux parcs nationaux en est une parfaite illustration. Ce projet poursuit des objectifs ambitieux en matière de protection de la nature, en combinant d’autres enjeux liés au tourisme et à l’économie, par exemple. Ainsi, la composante économique a fait partie intégrante de la construction des plans directeurs et opérationnels des deux parcs. Comme pour l’ensemble de chaque projet, des actions relatives à l’aspect économique ont été discutées avec tous les partenaires des coalitions territoriales, impliquant aussi, bien sûr, les acteurs de la filière bois. Les parcs nationaux visent à répondre aux défis actuels liés à la gestion sylvicole. Ainsi, parmi les objectifs poursuivis, la génération de retombées économiques locales pérennes via la valorisation des ressources, la promotion des produits des forêts et l’aide de la filière bois locale sont à souligner. Les projets visent en effet à maintenir les usages socioéconomiques avec des débouchés viables, et à préserver l’équilibre entre les différentes fonctions de la forêt. Ces objectifs peuvent se concrétiser, par exemple, à travers une charte forestière ou des actions ciblées. Les gestionnaires d’espaces naturels s’engagent ainsi dans une démarche commune de transition écologique, qui facilitera les synergies et échanges entre les propriétaires et gestionnaires privés ou publics. Ces engagements leur permettent de bénéficier du soutien des parcs en matière de régénération, d’introduction d’essences et de sylvicultures plus adaptées. La dynamique bois local qui sera instaurée par les actions des parcs nationaux encouragera les transformateurs à innover pour améliorer encore les débouchés locaux de leurs produits. De même, les conditions de récoltes du bois seront améliorées pour augmenter sa qualité. Ces actions s’inscrivent parfaitement dans les objectifs du projet « Forêt résiliente » que je porte depuis plusieurs années maintenant. Elles sont également alignées avec la nouvelle Stratégie forestière et le Green Deal européen. La fonction économique de la forêt est donc maintenue, bien entendu par une diversification de la forêt, n’excluant aucun type de sylviculture. L’objectif est bien de la rendre plus résiliente et plus à même de résister aux perturbations liées au changement climatique. Concrètement, par exemple, pour l’un des parcs nationaux, le taux d’enrésinement serait réduit d’environ 200 hectares selon la proposition des porteurs de projet. Je rappelle aussi que le Gouvernement a prévu un accompagnement spécifique des deux parcs nationaux sur le plan socioéconomique. Il sera réalisé par les intercommunales de développement économique concernées. Les parcs nationaux ont présenté en détail un plan financier détaillé jusqu’en 2026 pour les plans opérationnels, et sur 20 ans pour les plans directeurs. Certaines actions seront finalisées en 2026. D’autres seront pérennisées avec les partenaires privilégiés. Il est en effet prévu que les projets soient autoportants d’un point de vue économique au-delà de 2026. Ainsi, les parcs ont élaboré des hypothèses de sources de financement comprenant diverses pistes telles que les mécénats, les activités génératrices de recettes, etc. Comme vous le soulignez à juste titre, la pérennité de ces projets sera pleinement liée à leur gouvernance. Comme pour la composante économique, il s’agissait d’un important critère de sélection. Le mode de gouvernance choisi par le Parc national de la Vallée de la Semois s’articule autour d’une fondation d’utilité publique distributive qui réunit les multiples partenaires du parc, tout en permettant une gestion claire et simplifiée du projet et des fonds. Elle comprend les acteurs suivants : la coalition territoriale constituée d’un ensemble représentatif et équilibré des 50 partenaires sociaux, environnementaux, économiques et culturels du territoire. Le partenariat réunissant ces différentes structures est formalisé à travers l’accord de coopération et les délibérations d’engagements individuels, le conseil d’administration, le comité exécutif, le comité scientifique, le comité citoyen. Le mode de gouvernance de l’Entre-Sambre-et-Meuse se structure à différents niveaux : la coalition territoriale composée des 20 partenaires signataires de l’accord de coopération ; la coalition large qui regroupe les 50 signataires d’une lettre de soutien au projet ; le bureau de projet ; un conseil citoyen ; un conseil scientifique. Au niveau régional, la gouvernance se structure également à différents niveaux : un chef de projet est responsable de la bonne mise en œuvre et du suivi opérationnel des projets. Il est tenu de collaborer directement avec l’administration fonctionnelle, le Département de la nature et des forêts, et la Cellule des stratégies transversales du Secrétariat général. L’administration fonctionnelle, donc le DNF du SPW ARNE, est responsable du contrôle de la bonne mise en œuvre des projets ; le comité de suivi, qui est composé de la CST, Cellule des stratégies transversales, et des hauts fonctionnaires concernés. Il est chargé de suivre l’état d’avancement des projets ; le comité d’accompagnement est quant à lui constitué du chef de projet, de l’administration fonctionnelle et des représentants des deux parcs nationaux. Il est chargé d’assurer un suivi rapproché de l’avancée des projets. En conclusion, les deux projets de parcs nationaux ont été bien mûris et concertés avec une multitude d’acteurs et d’actrices. Je ne doute pas que les bonnes pratiques de gouvernance mises en place nous permettront d’atteindre nos objectifs, qui allient la protection de la nature et la viabilité économique.
Réplique de N. Janssen. – Merci, Madame la Ministre, d’avoir précisé vos convictions et notamment ce lien entre la biodiversité et cette dimension économique. Je suis convaincu que la fonction économique de la forêt ne peut être éludée et que c’est réellement la garantie d’une gestion saine et pérenne de ces forêts. Un réel équilibre entre les différentes fonctions de la forêt se doit d’être préservé. Cet équilibre est une des clés de la pérennité. Je vous remercie également pour les précisions relatives à la gouvernance. Merci d’en avoir rappelé les différents éléments, que je ne manquerai pas de relire et de suivre avec intérêt. En effet, aussi bien la transparence que la gouvernance sont déterminantes pour la pérennité. C’est dans la simplicité, la clarté et la lisibilité qu’une telle gouvernance peut porter tous ses fruits.